Carré rouge sur fond noir : le combat pour la démocratie


Je reproduis intégralement, avec sa permission, le témoignage que fiston Gabriel Boisclair a publié sur sa page Facebook suite à sa participation à la manifestation contre la brutalité policière. Un autre point de vue… Carré rouge sur fond noir.

15 mars, 20h29
Le combat pour la démocratie.

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Aujourd’hui, j’ai constaté que nous vivons dans un État policier.

J’ai constaté que l’expression de mes idées politiques était réprimée par des grenades. J’ai encore la vision de l’explosion à quelques mètres de mon visage, j’ai encore les oreilles qui résonnent.

J’ai fait l’expérience de la répression gratuite et arbitraire. Non, ce n’est pas vrai, ce n’était pas vraiment arbitraire. C’est parce que nous défendions des idées politiques critiques que nous avons eu droit à l’anti-émeute et à des explosifs.

La manifestation se déroulait dans un calme incroyable, de la manière la plus pacifique qui soit. Sans avertissement, sans directive de se disperser, les policiers ont commencé à charger. Sans nous rentrer dedans, pas encore. C’était de l’intimidation pure. Il n’y avait pas de casse, pas de violence, il n’y avait même pas de slogans anti-policiers pour « excuser » leur charge. Rien du tout, on ne faisait que marcher.

Quand ils ont chargé, plusieurs ont commencé à courir, en panique. Les policiers avaient atteint leur but : déranger une simple marche qui se déroulait dans le calme. Et faire peur, car oui, ça faisait peur. Entendre des dizaines de policiers habillés en armures courir derrière toi, ça fait peur. Tu ne sais pas ce qu’il vont faire. Tu te dis que tu n’as rien fait, qu’il n’y a pas eu de « grabuge », alors pourquoi chargeraient-ils ? Pourquoi frapperaient-ils ? Mais ils approchent, alors tu paniques et tu cours.

Puis nous nous sommes regroupés et nous avons recommencé à marcher calmement. Peu de temps après, BOUM ! Une grenade assourdissante explose à quelques mètres en avant de moi, environ un pied au-dessus de ma tête, c’est-à-dire à 7 pieds du sol. Je dois dire que c’est la première fois que je voyais une explosion d’aussi près. Le son de la déflagration résonne encore dans mes oreilles.

La panique gagne plusieurs manifestants, qui recommencent à courir. L’anti-émeute charge pour vrai et un manifestant se fait engloutir par les policiers. La grenade atteint son but : séparer la manifestation. Je fais partie du lot qui se fait séparer. Nous marchons dans une rue perpendiculaire. Et BOUM ! Une autre grenade explose un peu derrière moi.

Ma copine et moi décidons alors que c’est terminé pour nous. Nous parvenons à nous éloigner de la manifestation et des policiers. C’est terminé pour nous, mais seulement pour aujourd’hui. Car une telle violence gratuite nous révolte. La répression policière basée sur le profilage politique, c’est digne d’un État policier.

Nous sommes en colère.

Et nous imaginons bien comment peuvent être en colère ceux qui reçoivent des coups et se font arrêter parce qu’ils manifestaient (bref, ceux qui sont moins chanceux que nous). Sans compter ceux qui se font blesser gravement. Et nous imaginons bien comment ceux qui sont victimes à chaque jour de la répression policière doivent être encore plus en colère. Nous comprenons pourquoi nombreux sont ceux qui haïssent la police, pourquoi il y a un sentiment de révolte dans l’air.

Nous retournerons aux manifestations. Ils ne nous auront pas comme ça. Pas avec la peur. S’il faut lutter pour la démocratie, alors nous lutterons.

Gabriel Boisclair

Mise à jour, 15 mars, 22h28,

Note : Nous avons appris en revenant à la maison que, selon les policiers, la « fin officielle » de la manifestation aurait été annoncée dès 17h19. Or, à cette heure, nous étions tranquillement rassemblés au parc Émilie-Gamelin en attendant le départ de la marche. Il semblerait aussi que la manifestation ait été considérée illégale à 18h20, alors que nous marchions bien tranquillement sans avoir reçu aucun avis de dispersion. Ensuite, il est intéressant de constater que, toujours selon les policiers, les fenêtres et les véhicules auraient été brisées à partir de 18h33, alors que l’anti-émeute avait déjà été envoyée entre 18h20 et 18h24. Enfin, notons que la manifestation s’est séparée à 18h24, ce qui situe entre 18h20 et 18h26 les grenades qui nous ont été envoyées, c’est-à-dire bien avant la le bris de fenêtre et de véhicules.

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la photo a été repiquée sur le site de TVA (eh bein, c’est pour la cause)

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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