La ruse de la petite canaille

Grand rangement dans le fouillis de mes bibliothèques, ce week-end. Un beau jeu. Parcourir son chemin de lecteur, déterrer des trésors oubliés, parfois des doublons. Tracer des obsessions.  Identifier des manques, objets prêtés et disparus, on s’en fout un peu, ils ont trouvé foyer, lecteur, ami. De nombreux livres ne m’appartenant pas ont d’ailleurs élu domicile dans mon gourbi. Internet et le ouèbe 2.0 n’ont pas inventé la lecture partagée et disséminée. Penser paralecture (tenter de se rappeler la librairie où l’objet fut acquis, les lieux où ils furent lus, leurs conditions matérielles d’existence, relire dédicaces et mots laissés par âmes généreuses sur page de garde.). Douce anamnèse qui nous ramène à l’autre.

Ils sont nombreux les livres – aventure d’un soir – à s’être incrustré sur une tablette sans jamais s’être vraiment inscrustré en nous. On se demande ce qu’ils font encore là à nous gruger notre espace, à nous bouffer l’air ambiant.

J’y arrive. Dans le lot des squatteurs il y avait «Côté jardin» d’Alain Monnier. Il était là, de retour. Mais qu’est-ce que je lui ai fait voir des gens, du pays, à ce livre. Il était revenu. J’ai relu.

Thriller pas possible. Ça débute mollo, un peu nono. Il y a d’abord ce type dans la quarantaine, un peu benêt mon neveu avec les filles, qui finit par rencontrer sa Françoise sous un pont de Paris… Tactique de séduction de l’empêtré : lui réciter des extraits de Pessoa qu’il connaît par coeur. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi ce truc ça chie à chaque fois. Et la donzelle, pour faire bonne figure, de lui réciter – songée et attendrie – Le  Pont Mirabeau d’Apo : Vienne la nuit… je demeure. M’enfin, la Rencontre aura lieu. Manque de pot. Le mari est violent, jaloux et le nouvel amant apprend qu’il est atteint d’un cancer du cerveau. Quinze jours à vivre… On peut tenter l’opération…

Sans tout vous dévoiler, le patient est en fait en parfaite santé, il l’apprendra, un peu groggy, sur la table d’opération avant la délicate intervention…

Pour la suite, c’est un virevolte-pages (traduction libre de «page-turner») pas possible d’horreurs psychologiques et de sadisme… Claustrophobes et coeurs sensibles s’abstenir.

Vous voulez le lire, l’exemplaire est disponible, je dois libérer la place.

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Illustration : Hieronymous Bosch, v. 1453-v.1516, La lithotomie (ou La cure de folie), réalisée vers 1494. Musée du Prado à Madrid.

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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