Sur les traces d’une dédicace

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Soit un texte radiophonique de Michel Butor : Réseau aérien.

Il comporte une dédicace de l’auteur, datant du 10 avril 1965, au libraire Henri Tranquille.

Le livre fait partie de la collection de la bibliothèque Jacqueline de Repentigny (alias la bibliothèque de Verdun). Il est tout de rouge relié et porte la cote 848.9 BUTO (écrits divers de la littérature française du XXe siècle, pour les fans finis de la classification décimale Dewey).

Ce livre est un objet rare.

Il a bourlingué. Comment a-t-il atterri sur les étagères de cette bibliothèque?

Ça me turlupine.

Depuis des lunes.

Sur les traces d’une dédicace :

Présentons d’abord nos deux célèbres lascars aux personnes qui comme moi faisaient les cancres au fond de la classe en 5e secondaire.

Michel Butor est un poète, romancier, enseignant, essayiste, critique d’art et traducteur français né à Mons-en-Barœul (Nord) le 14 septembre 1926 et mort le 24 août 2016 à Contamine-sur-Arve (Haute-Savoie)

Il est célèbre pour son roman La Modification (1957), ouvrage majeur du nouveau roman, pour la part de son œuvre consacrée aux livres d’art, et pour ses travaux universitaires sur la littérature française. (Source : Wikipédia).

Ses romans L’emploi du temps, Degrés, et Passage de Milan sont aussi des ouvrages marquants.

Henri Tranquille

(Montréal  –  à Montréal) est un libraire et un écrivain québécois. Il est considéré comme l’un des personnages littéraires importants au Québec.

En 1937, il lance une petite librairie qui deviendra très connue à Montréal. En effet, c’est dans celle-ci que furent mis en vente les 400 exemplaires du Manifeste du Refus global, en 1948. Elle fut aussi le lieu, en 1950, d’une manifestation pour fêter le centenaire de la mort d’Honoré de Balzac, malgré l’interdiction du clergé catholique québécois. En février 1955, elle est le lieu de la première exposition du groupe des Plasticiens de Montréal.

Sa librairie, tenue de 1937 à 1975, sera un lieu de rencontre de différentes personnalités du monde littéraire : Germaine Guèvremont et Berthelot Brunet, Hubert Aquin et Gilles Archambault, Réjean Ducharme et Claude Gauvreau, Anne Hébert et Claude Péloquin. Il a lancé la carrière d’Yves Beauchemin, l’auteur du Matou.

Il est classé parmi les meneurs qui ont forcé la venue des livres au Québec. Cette venue préparait le terrain pour la Révolution tranquille. Selon son biographe Yves Gauthier : « C’était un homme flamboyant, un diffuseur extraordinaire de la littérature. Sa librairie était fréquentée par tout ce qu’il y avait de personnages littéraires et politiques de l’époque. » (Source : Wikipédia).

Michel Butor fut l’invité d’honneur du Salon du livre de Montréal le 3 avril 1965. Il y prononça une conférence à l’Hôtel Reine Elizabeth lors du banquet d’inauguration et de proclamation de la Semaine des Bibliothèques CanadiennesOù en est la littérature en France?  (La Presse, 3 avril 1965)

Butor se rendra à la librairie d’Henri Tranquille le 10 avril 1965. Tranquille, fidèle à ses habitudes en présence des écrivains, lui demandera de dédicacer son livre, Réseau aérien.

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(Pour les archéologues, m’est avis que Butor a dû recharger sa plume pour compléter sa dédicace.)

C’est bon, mais comment le livre prendra-t-il la route pour la bibliothèque de Verdun?

La librairie Tranquille fera faillite en 1975 et le librairie René-Léon Caron finira par acquérir, d’un épicier, la totalité des livres en entrepôt (17 000), les documents présents dans la librairie et la collection personnelle de Monsieur Livre pour la modique somme de 150$. (Gauthier, p. 151).

Entre 1978 et 1970, Tranquille travaillera, par intermittence, à la librairie de Caron. Durant cette période, André Fortier lui offrira un poste de «bibliothécaire» à temps partiel à la bibliothèque du Centre culturel de Verdun. (Gauthier, p. 180)

Il y a fort à parier que c’est durant son passage à la bibliothèque de Verdun que Tranquille fera l’acquisition de Réseau aérien.

Il fait partie des sept livres autographiés pour Tranquille par des auteurs étrangers.(Gauthier, p. 206).

Où sont les autres? Perdus dans la collection de la bibliothèque Jacqueline de Repentigny? Élagués? Vendus par les Amis de la Bibliothèque? Partis chez l’épicier envelopper le sucre et la cannelle, comme disait Boileau?

La chasse aux trésors est ouverte. Cherchez bien!  Tranquille possédait aussi 125 livres autographiés par des auteurs québécois (Gauthier, p. 206).

Note pour les responsables de la bibliothèque Jacqueline de Repentigny :

Prenez-en soin. Le livre est bien conservé. Il a été emprunté une fois en 1989 alors que la bibliothèque n’était pas automatisée et, de source sûre, à quelques reprises par votre humble serviteur depuis l’intégration de votre bibliothèque au réseau des Bibliothèques de Montréal.

Ça va mieux.

Référence :

Michel Butor, Réseau aérien, Paris, Gallimard, 1962. 120 p.

Yves Gauthier, Monsieur Livre : Henri Tranquille, Sillery,  Septentrion, 2005, 273 p.

Le plus grand Salon du livre français au monde, La Presse, Supplément 2, 3 avril 1965, p. 3. (grâce aux bons soins de BAnQ)

réseau aérien

 

 

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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