Hurler au sens propre et figuré

kukum

Kukum est un récit de Michel Jean qui a remporté le prix littéraire France-Québec 2020.

Une histoire d’amour et de haine qui relate le cruel destin des Innus : sédentarisation, vol et dévastation de leurs terres, acculturation par la conversion forcée au catholicisme, perte de leur langue, pensionnats et abus sexuels et les impacts sociaux qui découlent de cette entreprise de civilisation et d’édification des «sauvages». C’est à lire pour ceux qui ne seraient pas au courant de cette période glorieuse de notre histoire. Il se lit, d’ailleurs, au vu de sa grande popularité. Grand bien nous fasse.

Ce récit n’est toutefois pas sans défauts. La première partie du récit est un tantinet sirupeuse et idyllique. L’auteur emploie de nombreux clichés littéraires et des métaphores, disons poliment, audacieuses.

Je me contenterai aujourd’hui de relever ce qui revient de façon répétitive dans ce récit : un boucan d’enfer, au sens propre comme au figuré.

Des extraits que je mets en gras :

«Dès que le train entre dans la communauté, il hurle tant qu’il n’en est pas sorti, peu importe l’heure du jour ou de la nuit.» (p. 15 de 276 de mon édition numérique)

Il n’y a pas que les trains qui hurlent.

Almanda, personnage central et narratrice du récit, réussit à atteindre,  pour la première fois, une cible – une pierre – avec une Winchester : «j’ai hurlé de joie» (p. 34)

«On entendait Les Passes dangereuses [des chutes] bien avant de les voir. L’écho de leur cri, sorti du ventre de la terre se réverbérait dans les montagnes et courait sur la forêt. […] Peu à peu à travers le crachin apparaissait enfin la bête. Le dragon hurlant sa fureur se précipitait sur les rochers en laissant derrière lui un maelstrom terrifiant.» (p. 41)

«La glace était toujours prise et nous avons dû attendre quelques jours sur place. Quand le courant l’a emportée dans un grand fracas, nous étions prêts. Les chutes hurlaient derrière nous et le rapide nous a vite entraînés. Les canots fendaient les vagues qui venaient se briser sur l’écorce, éclaboussant nos visages. Le vent dansait dans nos cheveux et une joie puissante nous habitait.» (p. 67)

Une tempête se lève. «De puissantes rafales se jetaient sur la forêt en hurlant« (p. 86)

«Ma mère, qui a toujours eu peur des ours, hurlait» (p. 92)

«En mars, la sage-femme était de retour aux Passes-Dangereuses. Le bébé refusait de sortir de mon ventre. Je hurlais de douleur» (p. 113)

«Deux semaines après sa naissance, je l’ai découvert un matin tout raide dans son hamac. J’ai senti mon ventre se déchirer et soudain j’ai été transpercée de froid, comme si le vent venait d’emporter la tente et que j’étais soumise au souffle du nordet. Un cri est sorti de ma gorge, la plainte d’une louve blessée. J’ai hurlé au vent jusqu’à perdre l’esprit. Tout le monde a accouru. Christine m’a serrée dans ses bras en tentant de me calmer alors que Thomas regardait son fils inerte. Puis un immense silence est tombé, si lourd que nos épaules ont ployé et que nos dos se sont voûtés.» (p. 114)

«le maître draveur a hurlé des ordres à ses hommes (p. 135)

Almanda déteste les trains : «leurs locomotives hurlent et puent» (p. 140)

«Les turbines à vapeur hurlaient» (p. 156)

P.-S. 1 Dans la vraie vie, les trains peuvent aussi patiner :

anderson

La Presse+ du 8 mars 2021.

P.-S. 2 Prochaine lecture : À train perdu de Jocelyne Saucier.

Référence :

Michel Jean, Kukum, Libre expression, 2019, 222 pages dans l’édition papier.

 

 

 

 

 

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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