Les choses

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Mon Dieu, que de choses ! Cela me surprend chaque fois, et je crois que je n’arriverai jamais à m’habituer à la quantité d’objets, de produits que les gens entassent dans leurs maisons. Et tout ce que l’on jette ! Le nombre de tubes de colle, de scotchs tapes de toutes les dimensions, colle à plastique, à bois, à papier, colle pour ci, colle pour ça, qui finissent par sécher dans les tiroirs. Et c’est pareil pour tout. Les beaux sacs de papier, les sacs de plastique, les bocaux en verre et en plastique qui auraient fait des heureux au village. Nous n’avions que des contenants en terre cuite et en osier, on les utilisait et réutilisait. Tant de sprays, de bouteilles, de crèmes, de coton ouate pour les yeux, pour la peau, pour les oreilles; et tous les papiers que l’on jette à peine utilisés. Les savons en poudre, en paillettes, en liquide, une sorte pour les toilettes, une autre pour les lavabos, une autre pour les planchers, une pour laver le linge à l’eau froide, l’autre à l’eau chaude, un liquide bleu pour les vitres, un autre pour le dessus du poêle, un autre pour l’intérieur du four. Un désinfectant pour ci, un désinfectant pour ça. Le nombre de disques, de cassettes, de vidéocassettes qu’ils enregistrent et qu’ils ne regardent jamais parce qu’il y a toujours de nouveaux films à voir. Les jeux, les jouets, les gadgets, les armoires et les coffres en débordent. Quand ils étaient petits, les enfants de Samir et de Myriam s’amusaient avec les chaudrons, les boîtes de carton…Tant d’objets ! à quoi tout cela peut-il bien servir ?

Pourquoi tant de choses ? Je n’arrive pas à comprendre que l’on ait besoin de tout cela. Ici, les espaces de rangement d’une maison doivent être aussi grands que l’espace pour vivre… Même moi, j’ai une machine pour laver la vaisselle, une pour laver le linge, une pour le sécher, une autre pour balayer, une pour broyer les pois chiches, une autre pour hacher la viande et une autre encore pour faire des jus. Et pourquoi? Est-ce que je suis plus heureuse, moins fatiguée? On a inventé toutes ces machines pour le confort. Mais le confort se paie, alors on travaille plus et on est encore plus fatigué. On ne peut plus revenir en arrière parce que les gens se sont habitués. Et chacun fait ce que les autres font… Qui veut fréquenter les borgnes doit se crever un œil…

Abla Farhoud, Le bonheur a la queue glissante, Typo, 2011, c1998. [Édition numérique]

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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