Les mouches dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo [38]

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La mouche envahit toute la littérature. Où que vous posiez l’œil, vous y trouverez la mouche. Les véritables écrivains, quand ils en ont eu l’opportunité, lui ont consacré un poème, une page, un paragraphe, une ligne; Augusto Monterroso, Les mouches. Pour le contexte, voir ici

Ma contribution pour célébrer la résurrection de la Cathédrale Notre-Dame de Paris et pour rendre hommage au travail d’un véritable écrivain : Victor Hugo.

Son roman, « Notre-Dame de Paris », mentionne 17 mouches et 4 moucherons, ce qui confirme une fois de plus la pertinence des observations de ce cher Augusto Monterroso, cité précédemment.

Je vous propose un extrait où une pauvre mouche connaît une fin tragique, éradiquée par une énorme araignée à la trompe hideuse et victime de la violence convulsive d’un archidiacre.

Dom Claude, abîmé en lui-même, ne l’écoutait plus. Charmolue, en suivant la direction de son regard, vit qu’il s’était fixé machinalement à la grande toile d’araignée qui tapissait la lucarne. En ce moment, une mouche étourdie qui cherchait le soleil de mars vint se jeter à travers ce filet et s’y englua. À l’ébranlement de sa toile, l’énorme araignée fit un mouvement brusque hors de sa cellule centrale, puis d’un bond elle se précipita sur la mouche, qu’elle plia en deux avec ses antennes de devant, tandis que sa trompe hideuse lui fouillait la tête. « Pauvre mouche ! » dit le procureur du roi en cour d’église, et il leva la main pour la sauver. L’archidiacre, comme réveillé en sursaut, lui retint le bras avec une violence convulsive.

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris. Libre de droit sur Ebooks libres et gratuits.

Pour les intéressé·e·s, une édition rare est aussi disponible chez Raptis rare books pour la modique somme de 48 000$.

Source de l’illustration : Marie Petitot,  Notre-Dame de Paris : le sauvetage en prose de Victor Hugo, Les plumes d’histoire, 27 avril 2019.

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Les Salons du livre de Montréal

Amusante coïncidence. En route, en métro, pour le Salon du livre de Montréal, je lisais Roman sans rien, d’Antoine Charbonneau-Demers. À l’arrêt, station Viau, je suis tombé sur ces mots :

Lol traversait le Salon du livre à la hâte, son exemplaire fripé et furieusement annoté d’Un week-end au manoir sous le bras. Il venait de s’assommer de vodka dans les toilettes, et tirait une traîne tourbillonnante de vapeurs d’alcool.

Lol aimait tout ce qui était artistique. Le mot «art» même le faisait vibrer. Chaque année, depuis qu’il était enfant, la frénésie du Salon du livre de Montréal s’emparait de lui. Les éclairages au néon, l’air sec, les files d’attente, les signets gratuits et les dédicaces le transportaient dans un délire presque hystérique. Les pauvres auteurs, seuls derrière leurs stands, bénissaient la compagnie de Lol.»

À mon arrivée au Salon du livre de Montréal, dans la vraie vie, j’ai été ennuyé par les éclairages au néon, alors je me suis rendu dare-dare au stand des Écrits des Forges rencontrer Mireille Cliche pour obtenir une dédicace de ses deux derniers recueils de poésie.  Je vous recommande fortement la lecture de ses œuvres complètes et de celles à venir.

Quant à Roman sans rien… Que dire?

Le hic avec ce roman c’est qu’il en raconte trop, alors que je m’attendais à rien.

Tous les goûts sont dans la nature.

Antoine Charbonneau-Demers fait partie des 5 finalistes du Grand Prix du livre de Montréal.

—–

J’ai consacré des billets à l’œuvre de Mireille Cliche. On les retrouvera ici, et là-bas

Antoine Charbonneau-Demers, Roman sans rien.

 

 

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Les mouches dans «La soupe aux choux» de René Fallet [37]

Page couverture du roman La soupe aux choux de René Fallet

La mouche envahit toute la littérature. Où que vous posiez l’œil, vous y trouverez la mouche. Les véritables écrivains, quand ils en ont eu l’opportunité, lui ont consacré un poème, une page, un paragraphe, une ligne; Augusto Monterroso, Les mouches. Pour le contexte, voir ici

René Fallet fait mouche avec la recette de soupe aux choux de le Glaude dans son roman La soupe aux choux. Un véritable écrivain.

Je vous la mets.

Citadins, n’hésitez pas d’ajouter une grosse gousse d’ail et du lardon dans votre soupette.

Bonne tambouille!

De tout temps, le Glaude avait vu sa grand-mère, sa mère, sa femme, préparer la soupe aux choux. Il en savait quasiment de naissance la recette, l’exécutait sans avoir même à y penser. Il lava le chou cabus, lui enleva ses côtes, lui coupa le cœur en quatre, fit blanchir le tout pendant cinq minutes, laps de temps qu’il mit à profit pour balayer sa maisonnée. Si la Denrée devait revenir, il convenait de le recevoir avec les honneurs dus à un pilote de soucoupe de son envergure et qu’il ne trouvât rien à redire, par exemple, à la propreté du carrelage. On avait beau n’être capable que de conduire une bicyclette, on n’en avait pas moins sa petite fierté.
D’un geste auguste, il expédia à la volée les balayures au-dehors. Les poules y dénichaient toujours quelques miettes. Il revint à son fricfiti, déposa le chou dans un faitout, y joignit quatre pommes de terre épluchées, un oignon, deux carottes, les couvrit largement d’eau bouillante. Il ajouta un peu de sel, une branche de thym, trois grains de poivre, et, parce que cela tuait le ver et qu’il n’y a pas plus dangereux que le ver sur la terre à part le coup de froid, une gousse d’ail. Ceux de la ville, qui sont tous bureaucrates et se parlent sous le nez, n’en auraient pas mis, d’ail. Mais ceux de la ville, à cause de tous leurs chichis, n’avaient pas de santé, tombaient comme des mouches dans leurs rues et leurs boulevards. Le Glaude préférait sentir l’ail que d’empester le cholestérol, l’artériosclérose et autres maladies perfides qui courent les métros et les autobus.
Il couvrit le faitout d’un couvercle, l’abandonna sur sa fidèle cuisinière de fonte noire. Après trois quarts d’heure de cuisson à feu moyen, il retirerait sa soupe, non sans l’avoir goûtée. Il ne s’occuperait des lardons qu’au dernier moment, lorsque la Denrée serait là, assis sur cette chaise. p. 125-126

À des fins purement lexicostatistiques, veuille noter que l’on retrouve 12 occurrences du mot mouche dans ce roman. De la grande classe.

Un roman truculent. On ne pouvait pas en dire autant de son adaptation cinématographique, avec Louis de Funès.

René Fallet, La soupe aux choux, Folio, Denoël, 1980, 281 p.

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Portrait-robot du conservateur

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J’aurais dû lire Les ingénieurs du chaos avant les dernières élections américaines. J’aurais été moins surpris par la victoire de Donald Trump.

La stratégie des Républicains en 2024 a été peu ou prou la même que lors des élections de 2016 :

Aujourd’hui, les princes du mouvement populiste mondial appliquent tous le même principe. Chaque jour porte son coup d’éclat : les tweets choc de Trump, les mises en scène théâtrales de Nigel Farage, les posts Facebook de Matteo Salvini ; on a à peine le temps de commenter un événement qu’il est déjà éclipsé par un autre. Au sein de ce processus, la cohérence et la véridicité comptent bien moins que l’ampleur de la résonance, qui couvre le spectre entier des opinions – partant de celles qui se revendiquaient il y a peu de la gauche radicale à celles qui appartiennent à l’extrême droite. Sans aucune intention de les modérer, ni de les synthétiser, mais au contraire en les radicalisant pour ensuite les additionner, selon la logique du statisticien qui, pour trouver la température moyenne optimale, glisse la tête dans le four et les pieds dans le congélateur.

Da Empoli prodiguait pourtant de bons conseils aux démocrates dans la conclusion de son essai en citant John Maynard Keynes :

Presque toute la sagesse de nos hommes d’État a été fondée sur des présupposés qui étaient vrais à une époque, ou en partie vrais, et qui le sont chaque jour un peu moins. Nous devons inventer une nouvelle sagesse pour une nouvelle époque. Et en même temps, si nous voulons reconstruire quelque chose de bien, nous allons devoir apparaître hérétiques, inopportuns, dangereux et désobéissants aux yeux de tous ceux qui nous ont précédés.

Les Républicains l’ont compris.

***

Cette lecture m’aura permis de dresser un portrait-robot du conservateur :

Le conservateur est contre les programmes d’inclusion, de diversité et d’équité. Pour des raisons d’équité.

Il était contre les mesures « totalitaires » de confinement lors de l’épidémie de la COVID.

Le conservateur est souverainiste-populiste.

Il craint l’immigration, toujours massive. Par voie de conséquence, l’immigrant est éligible à l’expulsion, qu’il le veuille ou non.

Le conservateur aime les frontières et les murs.

Il est épouvanté par le Grand Remplacement.

Le conservateur n’aime pas les propos et les actions des « néo-féministes ». Par souci d’équité.

Il n’a que mépris pour la théorie des genres. Il ne la sent pas. Elle ne serait pas naturelle.

Le conservateur est écolo-sceptique.

Il fustige les universitaires et les médias traditionnels. Ils les associent à l’idéologie délétère « woke ».

Le conservateur estime que l’élite et la gauche – toujours caviar et autoritaire – sont déconnectées du bon peuple et du bon sens.

Il pense que nous sommes gouvernés par des juges. [Ce n’est pas tout à fait faux aux États-Unis.]

Le conservateur croit que les médias traditionnels sont à la solde des démocrates et des progressistes.

Il juge que les propos vulgaires des politiciens ne sont que d’innocentes blagues de vestiaire qu’il ne faut pas prendre au sérieux. [Alpha?].

Le conservateur défend la « liberté d’expression ».

Il croit toutefois que la vérité n’est pas toujours bonne à dire. Elle n’est pas très attractive. Les vraies faussetés le sont.

Le conservateur croit que c’était mieux avant. Une exception : la magie de la résonance des clics générés par les ingénieurs du chaos.

C’est tout un personnage.

Toute ressemblance avec des chroniqueurs ou des chroniqueuses québécoises existantes ou ayant existées serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence .

[Le conservateur considère que l’écriture inclusive est une aberration mentale]

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Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Lattès, 2019. [édition numérique à couverture souple]

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L’anaphore de Sébastien Dulude

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Après avoir réanimé Sasha, assisté Iris et calmé Jacinthe, après avoir géré l’ensemble de ma situation avec succès, après avoir réussi les épreuves minutées d’apnée tout au fond de la piscine, accroché à des poids qui y avaient été déposés, réussi le saut d’arrêt du plongeoir de trois mètres et le plongeon d’arrêt de celui d’un mètre, après avoir pris des notes et échangé sur les manœuvres de mes camarades de sauvetage, après avoir reçu ma certification Croix de bronze de la part des deux monitrices – avec mention très bien –, après que tous les autres membres du groupe ont reçu la leur, après avoir pris une longue douche dans un vestiaire fatigué mais serein – tous –, après avoir mangé le sandwich que je m’étais préparé dans l’allée des casiers pour les vêtements extérieurs, après que les monitrices m’ont salué, après que mes futurs collègues sauveteurs ont quitté l’enceinte un à un ou en petits groupes, après que Sasha a disparu dans la voiture blanche qui l’attendait, je suis dehors, comme nu, neuf, blanchi. [je souligne en caractères gras]

Une anaphore? On trouvera une définition et des exemples, par .

Une brève appréciation du roman?

Il est excellent. Il pousse parfois la métaphore jusqu’à la surcharge, le texte est farci d’images audacieuses, mais qu’importe. Son récit captive, entre sensualité et violence, entre maîtrise parfaite et audace brute.

Les dernières pages sont particulièrement saisissantes : le rythme s’emballe, le texte devient saccadé, percutant. La narration se fait presque haletante, avec une abondance de phrases nominales et de mots isolés, frappants. Ça fesse!

Sébastien Dulude, Amiante, Saguenay, La Peuplade, 2024, 209 p. [édition numérique]

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Prolégomènes à la « Langue de puck » par le Front de libération des chaises

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Le FLC n’avait pas eu l’opportunité, en 2014, de lire « Langue de puck » du professeur émérite à la retraite, Benoît Melançon (aka L’Oreille tendue).

C’est chose faite, avec la nouvelle édition, revue et augmentée. De la belle ouvrage. L’auteur dribble habilement avec la puck et la culture. Un livre désopilant et pince sans rire. C’est comme ça. Ne vous laissez pas tromper par la quatrième de couverture : Prof M. ne patine pas sur la bottine. L’importance qu’il accorde aux sièges dans son abécédaire a réjoui le comité littéraire du FLC.

En tout honneur, les chaises :

Parmi les meubles sportifs les plus populaires depuis le milieu des années 2010, il y a la chaise. Quand un entraîneur utilise un joueur de façon optimale, celui-ci est dans sa chaise, mieux, dans la bonne chaise. On peut être assis dans cette chaise, y tomber, y être employé, en être rétrogradé (si on est dans la mauvaise chaise). Il faut se méfier : il y a toujours quelqu’un pour prendre la chaise d’un coéquipier, la lui voler. On l’aura compris : on joue beaucoup à la chaise musicale dans les vestiaires sportifs. (nous soulignons)

Les bancs

Les joueurs laissés de côté sont réputés jouer sur le banc ou réchauffer le banc. Pire : ils sont cloués au banc. [Ayoye!]

L’entraîneur de l’équipe qui a commis l’infraction doit déléguer un joueur qui ira s’asseoir au banc des punitions, même s’il n’a rien fait de répréhensible.

Les joueurs fautifs doivent aujourd’hui se rendre au banc des punitions pour y réchauffer le banc.

Quand l’entraîneur, le coach, celui qui officie derrière le banc, décide, en plein match (en pleine game, à prononcer gé-me), de ne pas se servir de tous les joueurs à sa disposition, on dit qu’il coupe son banc. [Ayoye!]

Le livre comporte toutefois un contre-exemple sur une stratégie que pourrait adopter notre organisation pour atteindre le Graal. L’attitude prêtée à Scotty Bowman a tout pour déplaire au FLC :

Le commentateur radio-canadien Claude Quenneville racontait que Scotty Bowman, l’ex-entraîneur des Canadiens de Montréal, avait un jour demandé à un employé du Forum, là où jouait l’équipe, de raccourcir (à la scie) le banc de l’équipe adverse, les Bruins de Boston, histoire de les embêter pendant un match. Couper son banc, mais au sens littéral.

Le siège.

les choses vont bien, si vous êtes en état de grâce, vous êtes assis dans le siège du conducteur. Tout vous sourit et vous dictez la marche des événements.

On ne s’étonnera pas de voir poindre une table dans ce sport qui accorde une si grande importance aux chaises et aux bancs.

La table est mise au début des playoffs.

Mais il ne faut pas s’asseoir autour de ladite table, si on veut remporter la Coupe.

Le comité littéraire du FLC.

***

Note additionnelle de l’éditeur de ce blogue.

Les véritables écrivains, quand ils en ont eu l’opportunité, lui ont consacré un poème, une page, un paragraphe, une ligne; et si tu es écrivain et que tu ne l’as jamais fait, je te conseille de suivre mon exemple et de  t’empresser de t’y mettre; Augusto, Monteroso, Las moscas.

Un véritable écrivain! Vibrant. Il fait mouche avec sa langue de puck. Tout comme l’ailier de puissance (pas le plombier) et le cerbère. Le premier la met dedans (la puck), l’autre ne la laisse pas filer entre ses jambes.

Faire mouche, la mettre dedans et faire vibrer les cordages sont courants.

Le cerbère doit être particulièrement attentif quand on bourdonne autour de sa cage afin de faire mouche ; il ne doit pas se laisser traverser par la rondelle.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, édition revue et augmentée, Del Busso Éditeur, 2024, 168 p.

 

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Époque pourrie

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(Court texte mis à jour, publié sur Facebook le 31 octobre. J’archive.)

Halloween. Campagne électorale américaine. Le temps s’abeausit. Je suis allé me balader dans le cimetière Saint-François d’Assises pour y distribuer des friandises et des glaïeuls bleus. Aucun cadavre n’est sorti de terre pour me donner des noms d’oiseaux, me traiter d’ordures ou s’attaquer à moi pour me pourfendre.

__________

P.-S. du 7 novembre. Époque pourrie.

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Tentative de détournement

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Une tentative de détournement de la mission libératrice du FLC. Un opuscule a été déposé dans ma boîte aux lettres, une publication de Bearing Precious Seed Canada, apparemment une sorte de filiale des Témoins de Jéhovah. On y trouve des extraits de l’Épître aux Romains et de l’Évangile de Jean, accompagnés d’une invitation à courber la tête (pas vraiment mon style) et à prier Jésus pour expier mes fautes. Peine perdue : j’en ai commises tant et plus. Est-ce qu’il me manque quelque chose ? La sainte paix. Et certainement pas d’un feuillet paroissial qui fait du prosélytisme. Aux vidanges.

(Jolie photo, par ailleurs, qui pourrait aussi illustrer la fange dans laquelle s’enfoncent les États-Unis, disent d’aucuns.)

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Lire « Lignée » de Mireille Cliche, sens dessus dessous

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J’apprécie profondément l’œuvre poétique de Mireille Cliche, et ce recueil est, selon moi, le plus abouti, le plus maîtrisé de tous ses écrits. Bien que j’aurais aimé en partager davantage, les restrictions de son éditeur sur la page de droits me réfrènent – mais je m’autoriserai ici une petite entorse numérique en citant de courts passages.

Une œuvre dédiée à sa fille, adoptée. Sur les  joies, les peines, l’amour, la création et le temps.

Elle propose un regard singulier sur les figures de l’écriture et des jours qui passent, tissant un lien intime entre mots et mémoire.

L’écriture

Car qu’est-ce qu’écrire, sinon chercher sa route? p. 11

Pour «Parler dans l’épaisseur du monde» p. 43

Quand je mange ma peur une syllabe à la fois p 62

Il ne faut pas s’étendre quand le plafond baisse.
Il faut dessiner une fenêtre. p 19

Tu ne m’as pas seulement permis d’écrire ce livre, tu m’en as ouvert les pages. Il s’adresse à toi, à l’enfant et à l’adulte en toi. Il s’adresse aussi à une aveugle petite fille de tous âges qui me ressemble. Il s’adresse à toutes. Car parler de nous, c’est parler d’elles – mères et grands-mères, filles et sœurs, femmes d’ici, d’ailleurs, de toutes parts. p. 13

Le temps 

il y a «des horloges asynchrones» p. 40

la béance du quotidien p. 32

Le temps qui depuis longtemps
faisait du surplace
le temps que nous enroulions
de duvets et de plumes
s’est mis à courir p. 47

qu’elles réapparaissent […]
qu’elles ressèment […]
qu’elles nous chargent de brassées mellifères […]
qu’à nouveau la magie émerge de leurs ongles nus
qu’elles recousent le siècle à l’envers p. 58

Il arrive qu’un jour,
on rêve trop loin.
On ne croit quitter personne,
mais on est parti.
Sa colère avortée, perdue
dans un tortillon du temps p. 81

On s’éveille un jour
au milieu d’un escalier. On diffère coups de griffes et morsures
dont on s’ennuie les jours de calme plat.
On veut une maison dans les îles
mais les escales appellent. On ramone ses artères
on en tire les débris des rêves
puis on finit par l’admettre :
l’amour est au hasard,
le monde vaste comme une citrouille
On pense vieillir avec soi.
p. 89

Notes additionnelles folichonnes

La section littéraire du FLC (Front de libération des chaises) a été enchantée par la justesse sociocritique des vers suivants :

La paix est une chaise inconfortable
il faut sans cesse se lever se rasseoir
partir repartir attendre p. 30

Acheter posséder s’asseoir p. 79

On se rappellera le conseil d’Elmore Leonard dans Ten Rules for Writing Fiction : « Never open a book with weather. » Il s’est pourtant, encore une fois, trompé. Il suffit de lire l’incipit de la section intitulée Pour parler dans l’épaisseur du monde dans ce recueil de poésie pour s’en convaincre.

Au début tout bruissait dans l’épaisseur du monde. Brumes effilochées, souffles, chuchotis, craquements. Puis les objets ont déferlé, chassant l’ample mystère du silence et de son chant. Il faut maintenant chercher plus loin, dans le noir ou dans l’espace, sa cape chargée d’étoiles et de jurons. p. 45

On se souviendra également des propos d’Augusto Monterroso concernant l’importance de la mouche en littérature : La mouche envahit toute la littérature. Où que vous posiez l’œil, vous y trouverez la mouche. Les véritables écrivains, quand ils en ont eu l’opportunité, lui ont consacré un poème, une page, un paragraphe, une ligne.

Il n’y a pas à douter Mireille Cliche est une véritable autrice.

sente des grains stériles comptés un à un
puis confiés aux moignons de la terre
sentiers des lettres ânonnantes
gravées au charbon sur un papier marbré
de chiures de mouches
l’espoir de lire l’espérance crasse de manger. p. 51

***

Mireille Cliche, Lignée, suivi de «Onze leçons pour mon miroir», AMV édition, 2024, 89 p.

 

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Les silences intérieurs de Jaume Plensa

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Je ne manque jamais une occasion d’aller saluer Julia (ci-dessus) de Jaime Plensa à La Plaza de Colón à Madrid.

J’aimais aussi m’asseoir près de Source à Montréal. C’était à un jet de pierre de mon travail à la Bibliothèque de Montréal. Endroit idéal pour le lunch du midi.

J’avais bien vu que la fontaine (Crown Fountain) qu’il avait installé au Millennium Park de Chicago amusait beaucoup les jeunes et les moins jeunes de mon espèce.

Lors d’un road trip de Madrid à Marseille, j’avais fait un petit arrêt à Zaragoza pour contempler El alma del Ebro.

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Si Saul Steinberg «écrivait en dessinant», Jaime Plensa, lui, sculpte en écrivant.

Lors de la récente exposition – Materia interior –  à l’Espacio Fundación Telefónico de Madrid, j’ai aussi pu apprécier ses œuvres de plus petit format. Du grand art.

Admirez !

1-min 2-min 3-min 4-min 5-min 6-min 7-min

Pour les intéressé(e)s, vous avez jusqu’au 5 mai 2025 pour en profiter :

Mention de provenance des photos (sauf pour El alma del Ebro) : votre humble serviteur.

***

 

 

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