Une femme sur sept. Elle est une femme sur sept, atteinte d’un cancer du sein. « Je suis arrivée là parce qu’il a bien fallu. » Le récit se déroule dans une chambre d’hôpital, une femme dans son lit « pliée et rangée sans perte d’espace ». Elle attend. On va « me couper le sein pour éviter que je ne me fane, ne dessèche et ne meure, pour empêcher le trajet de la pourriture qui avance, qu’elle ne remonte pas le flux jusqu’à mes veines en suivant les routes bleues les routes rouges jusqu’à mon cœur. »
Elle regarde par la fenêtre. « Le présent ne vient pas. » Elle décrit les entours de sa chambre, les odeurs de l’hôpital imprégnées dans les murs. Lieu désarticulé de l’attente : « Le temps n’est pas le même ici. Soixante secondes ne font pas une minute. » « Un temps immobile. »
Distorsion de l’espace : « Regarder droit devant ne sert pas à grand-chose, vues d’ici, vues dehors, vues de loi, les vues se froissent entre elles, il vaut mieux écouter. »
Écouter : « Les bruits arrivent à l’improviste, insuffle des relents de méfiance envers des relents d’existence inenvisageables. » Alors que faire ? « Alors, attendre. Attendre sans identifier l’acte d’attendre.
Attendre sans se dire que l’on attend. Ne pas se demander pourquoi. » Regarder par la fenêtre, regarder les gens qui vont et viennent. L’attente finira par s’ériger, devenir autonome. L’attente, elle dit : « Je vais te modifier, te scarifier, mon nom avec mes ongles lacérés sur ton visage. Je suis l’attente, la seule. Celle qui aura raison de toi. »
Le brancardier viendra. La salle d’opération. L’ablation. Le corps froissé, « asymétrique ». L’amitié d’une autre femme sur sept. Après ? : « L’incomplet me complète complètement ».
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Billet publié sur Le Club des irrésistibles des Bibliothèques de Montréal, le 7 juin 2018. j’ai tendance à m’éparpiller Je le rapatrie ici, question de mettre un peu d’ordre dans mes archives numériques.
Référence :
Jeanney, Christine. Signes cliniques, Publie.net, juin 2017, 56 pages