Les mouches, les oiseaux et Mao dans Psychopompe de L’Amélie [34]

Wharholl - Mao-minMon  ami, JimG de St-Athanase, m’a transmis le tome II de ses Mémoires. J’ai été particulièrement réjoui par sa plume lorsqu’il se penche sur le dernier livre d’Amélie Nothomb : Psychopompe. C’est connu, je collectionne les extraits où les oiseaux tombent du ciel et ceux où apparaissent des mouches. Je suis aussi attendri par les incipit où il est question du temps qu’il fait.

Alors, extraits :

La tentative d’élimination des moineaux en Chine, décrite par l’Amélie dans Psychopompe, a fortement suscité mon intérêt. Manifestement, le président Mao faisait peu de cas de la littérature. Sans les oiseaux, pas d’Amélie. Pire encore, cette campagne populaire contre les quatre nuisibles incluait l’éradication définitive des moustiques, des rats, des moineaux [qui tombaient du ciel] et de toutes les mouches de la Chine continentale. Sans les mouches plus de littérature! Ni de véritables écrivains! Cela avait lieu pendant le Grand Bond en avant. Je n’en avais pas eu conscience à l’époque, et je n’ai pas mémoire non plus que mes professeurs marxistes de l’université du prolétariat en aient fait mention. Alors je me suis dit : «Ces intellectuels organiques nous cachaient sciemment des informations capitales». «Et nous tuerons tous les oiseaux», ce serait un joli titre pour un aberrant roman écrit d’après une histoire vraie.

JimG est un curieux. Il aime aller au fond des choses. C’est un lecteur en série. Il a poursuivi sa recherche :

Mao Zedong, Grand Timonier, fait aussi preuve d’incompétence en matière de littérature, il suffit pour s’en convaincre de lire ses «Interventions sur l’art et la littérature» (mai 1942). Une oraison d’une soixantaine de feuillets, dont l’incipit n’est absolument pas météorologique [je les collectionne aussi] et dans laquelle on ne trouve même pas un asticot. On trouve toutefois des mouches dans quelques poèmes écrits par Mao au début des années 1960, notamment dans «Réponse au camarade Guo Mo-Ruo» (1963) et« Nuages d’hiver» (1963).  

Je complète le tableau en vous fournissant le passage analysé par JimG dans Psychopompe :

Mais Mao avait lancé l’une de ses grandes opérations, qui consistait à rendre l’oiseau responsable des famines et autres nuisances. Chaque Chinois devait massacrer les oiseaux qui étaient à sa portée, et même les autres. Cette action fut un succès d’autant plus considérable que celui qui brandissait, devant le commissaire du peuple, le plus de dépouilles aviaires recevait louanges et faveurs.
La Chine ne tarda pas à devenir un désert d’oiseaux. Il fallut beaucoup de temps au Grand Timonier pour remarquer les conséquences catastrophiques de cette disparition pour l’écologie et l’économie du pays. Et comment proclamer qu’il s’était trompé ?
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Illustration : 

Mao par Andy Wharhol. Photo prise à Vienne, le 9 avril 2023, à 16h34, au Musée Mumok.

Références :

Amélie Nothomb, Psychopompe, Albin-Michel, 2023. [Édition numérique]

JimG : Mémoires, Tome II, St-Athanase, Éditions du lecteur captif, 2023. [Édition numérique]

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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