Thanatopraxie et croque-mort. L’auteure «croque sur le vif» en de cours esquisses les souvenirs et les faits d’armes de son père thanatologue. C’est à la fois lourd et léger : une femme demandant qu’on dépose un sandwich au fromage et deux petites bières dans la tombe de son défunt (rappel de son goûter quotidien : p’tite vie); une femme met le feu à sa maison, descend au sous-sol, s’enferme dans son congélateur et se tire une balle dans la tête (pour ne pas partir en fumée); un corps est repêché des eaux, il est vide, une anguille lucifuge ayant fait festin des organes du macchabée en entrant par un orifice et ressortant par l’autre (je lisais dernièrement dans Cosmos de Michel Onfray que les Français aiment justement déguster l’anguille). Des suicidés, des tombes vides, des irrécupérables, des brûlés vifs, des cendres de corps entremêlés dans une urne funéraire. Il y a aussi un mort vivant. Ça serait banal, ferait un peu fait divers, sans la plume de l’auteure tout aussi incisive que le bistouri de son papa, sans une certaine poésie et un peu d’humanité. C’est aussi ça la vie, des corps décomposés à recomposer pour une dernière mascarade.
Anne-Renée Caillé, L’embaumeur, Héliotrope, 2017, 104 p.