Chercher des poux à la série Ripley et lire Le roman d’Isoline de David Turgeon.

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Andrew Scott as Tom Ripley in RIPLEY. Photo Credit: Philippe Antonello/NETFLIX.

Andrew Scott as Tom Ripley in RIPLEY. Photo Credit: Philippe Antonello/NETFLIX.

Je n’ai eu aucun problème avec le noir et blanc de la série Ripley diffusée sur Netflix. C’était même d’une esthétique, comment dire, osons un cliché, plutôt léchée. Le plaisir de revoir, Galerie Borghèse, Apollon et Daphnée du Bernin, cependant que Ripley se pâme devant une toile du Caravage.

Il y a une folie du voir dans cette série. Le grain de la peau et des pierres. Un cadrage parfait. La prestation d’Andrew Scott. Une attention, en gros plan, à la statuaire et au baroque italien. Au charme des venelles mal éclairées de Rome et de Palerme.  Il y a une forme d’érotisation des lieux. Manque juste L’extase de sainte Thérèse du Bernin que l’on peut voir, si vous passez par là, à la chapelle Cornaro de Santa Maria della Vittoria à Rome. Illustration disponible à la fin de ce billet. On se serait passé du Grand Canal et des gondoles, mais c’est un classique vénitien. Difficile d’y couper, dans le genre.

Le scénario ne tient toutefois pas la route. Je divulgâche. Vous pouvez sauter le paragraphe suivant et vous diriger plus avant. Il y sera question de Foenkinos, Schlesser et du Roman d’Isoline de David Turgeon.

1) Quand Ripley, en barque à moteur et en pleine mer, tente de se débarrasser du corps de Dickie (il l’a trucidé à grands coups d’aviron) et qu’il se prend un pied dans le câble qui maintient un bloc de ciment servant d’ancre, tombe à l’eau avec le macchabée, accroche la manette des gaz du bateau qui s’autopropulse en faisant de grands ronds dans l’eau, que Ripley tente de rejoindre la barque en folie, qu’il se prend la tasse à quelques reprises et l’ancre sur la cafetière (c’est un mauvais zeugme), et qu’il finit par remonter à bord, exténué, et réussit à éteindre les gaz pour stopper l’embarcation.  Ouf! Un moment de « suspense » qui frise l’hyperbole burlesque. 2) Les auteurs de cette série aiment bien quand ça tourne en rond. Voir la scène répétitive quand Ripley emprunte au volant de la Fiat de Miles, avec Miles mort dedans, ou sans lui, et sans chien mouillé derrière comme dans Un an de Jean Echenoz, le rond-point devant le célèbre râtelier romain (le monument à Victor-Emmanuel II.) 3). Le meurtre de Miles, la descente dans l’escalier et l’ascenseur alors que l’assassiné se vide de son sang. Autre improbable avec une logeuse qui a la réputation d’être une fouineuse. 4) L’inspecteur de police est une andouille. Il aurait pu confronter Ripley et le locateur de bateau. En invitant Marge, il aurait découvert qu’il avait devant lui Ripley et non Dickie. On aurait fait l’économie de l’écoute des épisodes suivants, mais le mythe du psychopathe imitateur Ripley se serait évaporé pendant que l’on plongeait dans le sommeil. 5) Dernier épisode, l’inspecteur se déplace à Venise pour interroger Ripley. Ce dernier a tamisé la lumière et porte la barbichette pour confondre le policier. Pas convaincant, surtout quand Ripley se lève pour lui serrer la main et lui dire bon vent. On dira que le flic souffrait de pathologies oculaires. Facile. 6) J’aimerais dire aux cinéastes et fabricants de films en série que le procédé scénaristique du «ce n’était qu’un rêve, un fantasme, un songe ou une pensée obsessive» est éculé. Ils en abusent dans Ripley.

Un four sur le plan du scénario. Cette série aurait pu être parfaite, si les scénaristes avaient fait leur boulot. Juste ça.

Je ne me souviens pas si Patricia Highsmith avait commis de pareilles bourdes dans le roman qui les a inspiré : The Talented Mr. Ripley. J’ai fait une vérification dans le bouquin. Il n’y avait rien de risible dans le passage où Ripley assassine Dickie.

On peut faire un parallèle avec le roman Les yeux de Mona de Thomas Schlesser. Il était réussi sur le plan esthétique, mais raté du point de vue du récit.

Tout ce temps que je perds à consommer des œuvres suggérées par l’Algorithme.

Il y a pire. Le dernier Foenkinos dans lequel je me suis égaré.

J’ai quand même eu un plaisir fou à lire le dernier opus de David Turgeon : Le roman d’Isoline. Roman Majuscule dédié à François Blais, sans majuscule, pas un point final, de fous retours à la ligne, des points d’interrogation, très peu, de nombreuses ouvertures de parenthèses qui finissent par être refermées à la fin du bouquin. L’imparfait du subjonctif côtoie l’écriture inclusive. Iel est totalement assumé·e. L’histoire? Un roman dans le roman. Je ne vais pas vous la raconter. Elle est sans importance. Je recommande cet opus à toustes.

Ça ne plaira pas à EddY, mon lecteur sensible, mais je vais m’autociter. Le roman d’Isoline m’a procuré le même plaisir que Simone au travail  :

Lecteurs, lectrices, auteurs et autrices, je souhaite que vous trouviez refuge dans ce roman déjanté, tordant, tordu, irrésistible, zinzin, désembrayé, brindezingue, braque, abracadabrant, azimuté et autres épithètes, un peu convenues – vous me pardonnerez, je jubile -, du même tonneau.

Forcené, inventif, hors la marge, dingue, échappé des petites-maisons…

Références fournies sur demande.

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En prime, Apollon et Daphné, le Bernin. Source : Wikipedia.

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Une bibliothèque de rêves

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[Publié sur Facebook, le 3 avril 2024. Je l’archive dans mon univers numérique]

Le dernier livre de Murakami. Ça pourrait plaire à mes ex-collègues des Bibliothèques de Montréal. C’est malheureusement en espagnol, la version française est prévue en 2025. Je sais que les bibliothécaires de Montréal sont patients. Ils ont pris l’habitude du « pas municipal » et de ses lenteurs. En attendant, « Pour aller plus loin », voici un court extrait assez fascinant – traduit maison par ma dulcinée – dans lequel il est question d’une bibliothèque sans livres, mais composée de longues rangées silencieuses de vieux rêves en forme d’œuf.

Au cours de ma première semaine, j’ai essayé de lire attentivement les vieux rêves que tu avais sélectionnés pour moi. Sans grand succès : je n’arrivais pas à en tirer le moindre sens. Ils marmonnaient, me chuchotaient des ambiguïtés, me montraient des images floues, fracturées et éclatées, comme des cassettes et des films composés de fragments sans lien entre eux, joués de la fin au début.

Les étagères des magasins de la bibliothèque ne contenaient pas de livres, mais une myriade de vieux rêves disposés en longues rangées silencieuses, recouverts de fines couches de poussière blanche, signe d’une inactivité prolongée. Ils avaient la même forme ovale, mais leur taille variait, de même que leur couleur, comme si chacun provenait d’un animal ovipare différent. Cependant, malgré leur forme, personne ne les confondrait avec un œuf. Lorsqu’on les tenait dans la main et qu’on les regardait de près, on remarquait le renflement de la moitié inférieure de l’œuf par rapport à la moitié supérieure, plus marqué que dans un œuf normal. Ces caractéristiques leur conféraient une grande stabilité et les maintenaient rigides sur les étagères, les empêchant de tomber au sol même sans support.  p. 39

Para servir.

¡Abrazo fuerte!
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Haruki Murakami, La ciudad y sus muros inciertos, TusQuests editores, colección andanza, Barcelone, 2024, 560 p. Traduit du japonais par Juan Francisco González Sánchez,

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L’incipit météorologique de « La ciudad y sus muros inciertos » de Murakami [112]

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Never open a book with weather. Elmore Leonard, Ten rules for writing fictions.

Comme ça fait partie de la politique de la maison, aussitôt que Murakami publie un nouveau roman, nous allons voir de quoi il retourne. Je peux d’emblée dire que ça promet, avec un incipit sur le temps qu’il fait.

Comme nous maîtrisons très mal le japonais et que, selon des sources sûres, la traduction française ne sera disponible qu’en 2025, nous nous sommes rabattu·e·s sur la version espagnole.

Comme je suis de nature paresseuse et que je n’ai pas que ça à faire, tapuscrire le texte des écrivain·e·s, j’ai utilisé l’appareil photo de mon ibigophone pour la reconnaissance optique de l’incipit.

Comme il existe une fonction qui permet de traduire l’extrait océrisé dans la langue de mon choix, je l’ai testée.

Comme ce bidule de traduction d’Apple n’est vraiment pas au point :

Cet après-midi d’été-là, nous remontions le cours de la rivière et toussions dans le doux parfum des plantes.

Comme DeepL et Google translate ne font guère mieux.

Je vous mets la traduction espagnole et la traduction française, une gracieuseté de ma dulcinée.

«Aquella tarde de verano remontábamos el curso del río envueltos en el dulce aroma de las plantas, íbamos sorteando tímidos diques y deteniéndonos de vez en cuando a contemplar los pececillos plateados que nadaban en los remansos, hasta que nos descalzamos por fin y dejamos que la cristalina corriente de agua lamiera nuestros tobillos y nuestros pies se hundieran en la fina arenilla del fondo como en las blandas nubes de un sueño. Yo tenía diecisiete y tú apenas dieciséis.» p. 11

«Cet après-midi d’été, nous remontions le cours de la rivière, enveloppés par le doux arôme des plantes, nous évitions des digues timides et nous nous arrêtions parfois pour contempler les petits poissons argentés qui nageaient dans les bassins, puis nous nous déchaussions et nous laissions le courant d’eau cristallin nous lécher les chevilles, et nos pieds s’enfonçaient dans le sable fin du fond, comme dans les nuages légers d’un rêve. J’avais dix-sept ans et toi à peine seize

Para servir.

Abrazos fuertes!

———————–

Haruki Murakami, La ciudad y sus muros inciertos, TusQuests editores, colección andanza, Barcelone, 2024, 560 p. Traduit du japonais par Juan Francisco González Sánchez,

 

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Libérons les chaises.

Comme la plupart d’entre vous, j’ai passé une grande partie de ma vie le popotin rivé sur une chaise.
J’aime les chaises.
Renversons la perspective. En images.
Libérons les chaises !!

Pour le FLC (Le Front de libération des chaises)

Dans un désordre chronologique :

1 Nice

Quinze chaises, deux personnes et la mer. Nice, Photographié le 30 janvier 2024.

02 Café naîf - Madrid

Une chaise jaune et une lectrice. Café Naïf, Madrid. Photographié le 24 janvier 2023.

03 Vignoble

Jardin de sculpture au vignoble Domaine Côte d’Ardoise Dunham. Artiste non identifié. Photographié le 23 septembre 2023.

04 Picasso

Fauteuil, Pablo Picasso, au CaixaForum, Madrid, Photographié le 28 février 2024.

05 Biblio Maisonneuve

Bibliothèque Maisonneuve, Montréal. Photographié le 23 août 2023.

06 Buster Keaton - Cannes

Fresque murale : Buster Keaton, le caméraman. (Artiste non identifié). Cannes. Photographié le 27 janvier 2024.

07 Murano

Chaises rouges, Artiste non identifié. Le musée du verre, Murano. Photographié le 13 février 2024.

08 Maison Alcan

Maison Alcan, Montréal, Artiste non identifié. Photographié le 17 août 2023.

09 SalamanquePlaza mayor. Salamanca, Espagne, Photographié le 9 juillet 2023.

010 Bandol

Bandol. France. Photographié le 25 janvier 2024.

011 Parc René Lévesque

Parc René-Lévesque, Arrondissement Lachine, Montréal. Artiste non identifié. Photographié le 1er août 2023.

012 Parc angrignon

Parc Angrignon, Montréal, Artiste non identifié. Photographié le 26 août 2023.

013

Sillia Paimio, par Alvar Aalto, au CaixaForum, Madrid. Photographié le 28 février 2024.

014 Porto

Une plage à Porto, Portugal. Pour se remettre d’une virée à Salamanca, Espagne. Photographié le 10 juillet 2023

015 bancs Boisvert Trois-Rivières

Banc, Trois-Rivières, Texte d’Yves Boisvert. Photographié le 11 septembre 2023.

016 Juan Munoz

Juan Muñoz. Todo lo que veo me sobrevivirá (Tout ce je vois me survivra). Museo Calle 31, Madrid. Photographié le 31 mars 2023.

017 Tagshi Kawamata

Nid de chaises, Tadashi Kawamata. Paris, à deux pas du palais de l’Élysée. Consulté sur Instagram le 24 février 2024.

018 Negresco

Hôtel Negresco, Nice. Photographié le 27 janvier 2024.

019 Sarah Lucas

Sarah Lucas. El conejito es engañado (Le petit lapin berné, traduction libre). Une des œuvres de la série de huit «bunnies» produites par Lucas en 1997 pour représenter le corps de la femme et sa soumission à l’homme. Ici, une secrétaire, sans tête, affalée sur une chaise de bureau est au bord de l’épuisement. L’œuvre ne manque pas d’humour, ce qui la rend encore plus forte et dévastatrice. Vue au Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid. Photographié le 19 juin 2023. [Spécial 8M)

20 La chaise - Nice

La chaise bleue, SAB (Sabine Geraudie), Promenade des Anglais, Nice. Photographié le 2 février 2024.

21 Michel Goulet - Québec
Rêver le nouveau monde, Michel Goulet, Québec, Photographié le 1er août 2022.

22 Quéquetterie - Cannes

La Quéquetterie (Cannes). Photographié le 26 janvier 2024. (Grave divergence linguistique Québec / France)

23 Marisol - Picasso

Picasso par Marisol, Musée des beaux-arts de Montréal. Photographié le 8 octobre 2023.

24 Michel Goulet -Parc Lafontaine

Les leçons singulières, Michel Goulet, Parc Lafontaine, Montréal. Photographié le 4 septembre 2023

25 Académie - Venise

Café de La galerie de l’Académie, Venise, Photographié le 16 février 2024.

26 Nice - Noël Dolla

LOU CHE, sculpture de Noël Dolla, Nice, Photographié le 19 janvier 2024.

30 Libérons les chaises emrprospmmes

Libérons les chaises, Montage. Quartier Canijellas, Madrid, Photographiés le 1er mars 2024.

27 Tire toi une chaise - FLC Tingwick

Une sympathisante de la Cause a réussi à s’infiltrer dans un camp ennemi situé dans les Cantons de l’Est à Tingwick dans le parc Le Sentier des Pieds d’Or. Elle m’a transmis des photos. Des chaises torturées, pendues aux arbres et abattues. Le message de l’ennemi : «Tire-toi une chaise». Libérons-les !! Le FLC (Front de libération des chaises). – Reçue le 5 mars 2024.

Mise à jour du 13 mars 2024

EddY, mon lecteur sensible, a réagi à la publication de mon billet pour libérer les chaises. Il m’a accordé  la permission d’intégrer son commentaire en amont de ma galerie de photos. Continuons le combat!

« Comme toujours lorsqu’il est question du blogue de la surface des choses, je me suis immédiatement téléporté sur Bibliobabil. Je ne suis pas certain que toutes les chaises présentées dans cette exposition soient en si mauvaise posture. Certaines ont même droit à une IPA fraîche dans un décor reposant. Ma préférence va, vous vous en doutez probablement, aux chaises accompagnées d’un petit texte qui va au-delà de «À tel endroit, à telle date». Aucune image ne saurait se substituer à vos mots pour témoigner de votre joyeuse existence de bourlingueur accompli. Mention spéciale pour le montage (Quartier Canijellas, Madrid, 2024), ces chaises solidement ligotées suscitent vraiment l’indignation! Chaises de tous les pays, émancipez-vous! Et hop! Mon fauteuil à roulettes vient de m’éjecter! Ça marche, l’agitprop!»

Mise à jour du 26 mars 2024

[Merci à la bibliothécaire Valérie Lampron pour son précieux enseignement sur la théorie des cordes et des ancres]

Antoni Tàpies, homme engagé, s’est aussi penché sur les conditions de vie des chaises. (Le FLC). Photographié au Reina Sofia à Madrid, le 25 mars 2024.

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En forme de chaise.

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Sans titre.

Mise à jour du 29 mars 2024

L’exploitation des chaises de bistrot par l’homme. 1924. Merci à Rachel Laperrière pour le signalement.
Le FLC

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Pendant les inondations de 1924, les bistrots de Paris ont mis en place des chemins de chaises pour permettre aux habitants de circuler dans les rues…
Source tradition française

Mise à jour du 1er avril 2024

Visite d’une exposition principalement consacrée à Isabel Quintanilla au Thyssen-Bornemisza, à Madrid. Le réalisme madrilène. J’en ai profité pour ajouter des chaises à la collection des militants du FLC.

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Isabel Quintanilla, Gran interior, 1974.

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Amelia Avia, La casa de Cristina, 1983.

D’autres illustrations de cette exposition sont aussi disponibles. C’est .

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Température et incipit : The Martian Chronicles / Chroniques martiennes de Ray Bradbury [111]

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Never open a book with weather. Elmore Leonard, Ten rules for writing fictions.

L’incipit météorologique occupe pour ainsi dire la totalité de la première nouvelle de Martian Chronicles de Ray Bradbury. En prime, pour les amateurs de figure de style, ce court récit comporte un petit côté anaphorique. Curieusement, le date présente dans le titre de la traduction est différente de celle de la version originale. Un autre mystère à élucider.

[Mise à jour du 8 mars 2024]

J’ai réussi à élucider ce mystère grâce à la généreuse collaboration de mon fils et de mon pote EddY, dit mon lecteur sensible.

J’avais consulté la traduction (1954) de Martian Chronicles par Henri Godillot dans laquelle le récit se déroule entre 1999 à 2026, soit sur une période de 27 ans, exactement comme dans la version originale anglaise de 1950.

En 1997, comme l’année 1999 approchait, les éditeurs tant anglophones que francophones ont pensé que ces dates nuiraient à l’aspect futuriste du récit. Le début des années glorieuses du marketing? Curieuse idée. Ils ont décidé de projeter le récit 31 ans plus tard, soit de 2030 à 2057. C’est cette édition française que j’avais consultée.

Il est donc recommandé de vérifier les années d’édition et les ISBN quand on fait de la lecture bilingue comparée.

Note : Pour les ISBN, il faut se méfier. Les éditeurs bâclent souvent le travail. Il est bien connu que le numéro ISBN est censé nous assurer du caractère unique d’une œuvre. Or, nous avons pu consulter deux éditions anglaises de 1997 comportant le même ISBN, mais avec des temporalités distinctes : 1999-2026 (celle de 1950) et 2030-2057 (celle de 1997). C’était, de plus, publié chez le même éditeur : HarpersCollins.

Para servir.

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January 1999ROCKET SUMMER

«One minute it was Ohio winter, with doors closed, windows locked, the panes blind with frost, icicles fringing every roof, children skiing on slopes, housewives lumbering like great black bears in their furs along the icy streets. And then a long wave of warmth crossed the small town. A flooding sea of hot air; it seemed as if someone had left a bakery door open. The heat pulsed among the cottages and bushes and children. The icicles dropped, shattering, to melt. The doors flew open. The windows flew up. The children worked off their wool clothes. The housewives shed their bear disguises. The snow dissolved and showed last summer’s ancient green lawns. Rocket summer. The words passed among the people in the open, airing houses.

Rocket summer. The warm desert air changing the frost patterns on the windows, erasing the art work. The skis and sleds suddenly useless. The snow, falling from the cold sky upon the town, turned to a hot rain before it touched the ground.

Rocket summer. People leaned from their dripping porches and watched the reddening sky. The rocket lay on the launching field, blowing out pink clouds of fire and oven heat. The rocket stood in the cold winter morning, making summer with every breath of its mighty exhausts. The rocket made climates, and summer lay for a brief moment upon the land … »

JANVIER 2030
L’été de la fusée

 « À un moment donné c’était l’hiver en Ohio, avec ses portes fermées, ses fenêtres verrouillées, ses vitres masquées de givre, ses toits frangés de stalactites, les enfants qui skiaient sur les pentes, les ménagères engoncées dans leurs fourrures qui, tels de grands ours noirs, avançaient pesamment dans les rues verglacées.
Puis une longue vague de chaleur balaya la petite ville. Un raz de marée d’air brûlant ; comme si on avait laissé ouvert un four de boulanger. La vibration de fournaise passa sur les pavillons, les buissons, les enfants. Les glaçons se détachèrent, se brisèrent, se mirent à fondre. Portes et fenêtres s’ouvrirent à la volée. Les enfants s’extirpèrent de leurs lainages. Les femmes se dépouillèrent de leurs défroques d’ours. La neige se liquéfia, révélant l’ancien vert des pelouses de l’été précédent.
L’été de la fusée. On se passa le mot dans les maisons grandes ouvertes. L’été de la fusée. La touffeur de désert modifiait les broderies du givre sur les fenêtres, effaçait l’œuvre d’art. Skis et luges devenaient soudain inutiles. La neige qui tombait du ciel froid sur la ville se transformait en pluie chaude avant de toucher le sol.
L’été de la fusée. Les gens se penchaient hors de leurs vérandas ruisselantes pour contempler le ciel rougeoyant.
Sur sa rampe de lancement, la fusée crachait des nuages de flammes roses et une chaleur d’étuve. Dressée dans cette froide matinée d’hiver, elle donnait vie à l’été à chaque souffle de ses puissantes tuyères. La fusée commandait au climat, faisant régner un court moment l’été sur le pays. »

Ray Bradbury, The Martian Chronicles, Livre de poche, Lire en anglais, Les langues modernes, [1991?]. c1950, p. 16.

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Les cordes à linge de Venise

our EddY, mon lecteur sensible.

J’ai fait un séjour à Venise du 12 au 15 février.

J’ai pris quelques photos. J’archive. Pas toutes.

C’était jour de lavage, j’en ai profité pour faire le plein de cordes à linge.

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Je découvre que Louise Paquette avait publié, disponible dans Érudit, un beau et court document sur les cordes à linge de Venise. Suivez le guide.

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Capter la lumière : de Marseille à Nice

Pour EddY, mon lecteur sensible.

J’ai fait un séjour sur la Côte d’Azur du 23 au 30 janvier.

J’ai pris une pléthore de photos.  J’archive. Pas toutes. Une contrainte : une photo par lieu visité. Exception : les endroits où j’ai séjourné plus d’un jour ont droit à des entrées supplémentaires : Marseille (2), Cannes (2) et Nice (3).

Dans l’ordre de mes déambulations.
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Le Mucem : Musée des civilisations, de l’Europe et de la Méditerranée, Marseille.

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Vue du balcon de mon appartement, Marseille.

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Bandol en sifflant un canon de rosé de la région.

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Bormes-les-Mimosas.

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Fresque murale : Buster Keaton, le caméraman. (Artiste non identifié). Cannes.

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Sur les toits. Cannes.

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La ronde des mouettes par Carla Lavatelli. Mougins.

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Grimpette. Le Cannet.

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Saucette. Île Sainte-Marguerite.

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Impasse. Saint-Paul-de-Vence.

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Baie des Anges au réveil. Nice.

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Crayonnage. Nice.

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La chaise bleue de SAB (Sabine Geraudie), Promenade des Anglais, Nice.

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2023

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J’ai peu lu cette année du fait de nombreuses pathologies oculaires qui m’accablent. L’une de mes cinq ophtalmologues, la Madrilène, m’a dit, dans un français approximatif, c’est normal vous êtes une personne usagée.

Oserais-je faire le bilan lecture de l’année? Une trentaine de livres. Ceux qui ont laissé une trace indélébile? Ils ne sont pas nombreux. Dans le désordre.

Mélikah Abdelmoumen, Baldwin, Styron et moi.
Alain Roy, Les déclinistes.
Rosa Montero, Le danger de ne pas être folle.
Alex Gagnon, Les Déchirures.
Brousseau, Simon, Chaque blessure est une promesse.
Neige Sinno, Triste tigre.
Jean-Philippe Toussaint, L’Échiquier.
Guéorgui Gospodinov, Tous nos corps.
Marie-Hélène Lafon, Les sources.
Emmanuelle Pierrot, La version qui n’intéresse personne. (en cours de lecture)

Le four de l’année : la traduction franchouillarde de Harlem Shuffle de Colson Whitehead.

Je n’ai pas beaucoup lu, mais j’ai bourlingué avec ma blonde. J’ai retrouvé les traces de nos vagabondages en revisitant mes publications non censurées sur Facebook, Instagram, Twitter (X), mon blogue, les courriels avec mes ami·es, les textos avec ma blonde qui habite, là-bas, à Madrid, à l’aide de mon album photo sur mon ibigophone et de mes souvenirs diffus. Un solide bilan. Dans l’ordre, les lieux visités :

Marseille, Carcassonne, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, San Sebastian, Bilbao, Madrid, LLeida, Gérona, Arles, Marseille, Cabriès, Figueras, Saragoza, Madrid, Vienne, Madrid, La Hiruela, Horcajuelo de la Sierra, Puebla de la Sierra, El Cardoso de la Sierra, Consuegra, Madrid, Catalayud, Villafeliche, Madrid, Tolède, Ségovie. Pedraza, Salamanca, Aveiro, Porto, Viseu, Madrid, Lyon, Montréal, Lachine, Verdun, Saint-Anne de Bellevue, Boucherville,  Saint-Côme (Les chutes à Bull),  Trois-Rivières, Baie Jolie, Grandes Piles, La Tuque, Saint-Tite, Louiseville, Sainte-Ursule, Nominingue, Saint-Jovite, Saint-Athanase, Shefford, Parc national de la Yamaska, Réservoir Choinière, Orford, Sutton, Frelighsburg, Dunham, Bolton-est, Saint-Benoit-du-Lac, Montréal, Mont- Saint-Hilaire, La Macaza, Madrid, La Hontenilla, Montréal.

Mes cinq villes préférées en 2023 : Lyon, Madrid, Marseille, Montréal, Trois-Rivières et Vienne. Une petite hésitation, Saint-Tite est-elle une ville?

Des visites, dans le désordre, bien arrosées, chez des indéfectibles ami·es à Saint-Athanase, Ahuntsic, Marseille, Beaconsfield, Villafeliche, Madrid, La Macaza, Lyon, Saint-Damase, Ville-Marie (Montréal) et Nominingue.

Nous avons vu de fabuleuses expositions. Ça fera l’objet d’une autre publication. Pas que ça à faire des bilans exhaustifs de fin d’année qui s’épuise.

Nous avons entendu les concerts de Ron Carter et James Carter au Festival de Jazz de Madrid.

J’ai pris des centaines de photos. On peut en voir certaines en parcourant mon journal public sur Facebook. Des souvenirs géométriques pour finir ? Para servir :

1
Hommage à Françoise Sullivan, Montréal.

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Musée Sécession à Vienne.

2

Jardin Botanique de Montréal.

San Sebastián, 10 janvier.

Chilida, Peine del viento, San Sebastián.

5
Métro Concordia, Montréal.

6

 Fundación Juan March, Madrid.

7

Okuda, Museo Gran Via 15, Madrid.

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Marcel Barbeau, Sans titre, Musée des Beaux-Arts de Mont-Saint-Hilaire.

2

Escalier menant au quartier des Arméniens dans les collines de Marseille.

1

Basilique Notre-Dame de Fourvière à Lyon.

3

Musée Salvador Dali à Figueras.

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Pont Maria Pia conçu par Gustave Eiffel et Théophile Seyrig. Porto.

Zaragoza, 27 février.

Œuvre de Jaume Plensa. Sur le site de l’exposition universelle qui a eu lieu à Zaragoza en 2008.

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En-tête de cette babillarde : «Julia» de Jaume Plensa, Plaza de Colón, Madrid.

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Le vocabulaire du football de la NFL à RDS

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J’ai regardé le match de football entre les Dolphins de Miami et les Cowboys de Dallas. De fait, je l’ai plutôt écouté en prenant des notes avec mon ibigophone.

Tout se déroute très vite dans ce jeu, le quart-arrière n’a que 3.5 secondes pour lancer le ballon à un ailier éloigné ou rapproché, le refiler, latéral, à son voisin, où tenter lui-même de franchir les lignes adverses, alors qu’une horde de rustres ventripotents tente de lui mettre la patte dessus pour le projeter violemment au sol.  Parfois, le quaterback n’a d’autre choix que de tirer le ballon dans la foule, par terre ou sur les lignes de côté pour éviter de mettre sa ligne offensive, son entraîneur et la foule dans l’embarras.

Je tire mon chapeau, et dans le même élan un cliché littéraire, aux commentateurs qui décrivent avec force précisons et métaphores (certaines douteuses) le déroulement d’une partie de football.

Je ne fais pas la différence entre un secondeur, un demi inséré, un ailier rapproché, un maraudeur et un receveur écartelé. J’ai pris de bonnes notes. Je serai prêt lors de la prochaine veille de Noël pour mettre des images sur tous ces mots et expressions que j’ai notées. Il y a une certaine forme de poésie dans ce langage pour décrire ce sport de brutes, de commotions cérébrales et de publicités ineptes.

Une poésie guerrière parfois : on lance des bombes, il y a une ligne d’attaque et de défense, un territoire ennemi, des gros canons, des  blitz et des victimes.

C’est parfois plus paisible lors du lancer du mouchoir, mais ça peut mettre la foule en rogne.

Les mots du football, tel qu’entendus, dans l’ordre de la diffusion du match :

Les permutations.
Les lignes de côté.
Les dégagements.
Des ailiers rapprochés.
La poche protectrice.
Un blitz.
Capitaliser.
Jeu en croisé.
Receveur.
Botteur de dégagement.
Zones profondes.
Couverture de zone.
Feinte latérale rapide hors bloqueur.
Des récoltes.
Une couverture de zone.
Troisième essai et court.
Ailier rapproché comme une boule de quilles.
Des soldes de fin d’année [oups!].
Ligne d’engagement.
Un en couverture, l’autre en pression.
Zone de protection.
Penalty offense.
Troisième essai et très long.
S’installer pour une seconde pour éviter le penalty.
Un ailier rapproché.
Longue passe vers les périmètres.
Le joueur sautille en revenant vers la ligne de jeu.
Les doigts retrouvés dans la protection faciale de l’adversaire.
Un maraudeur qui peut aussi être un porteur.
Le jeu va perdre du terrain.
Le concept de jeu.
Les gros canons.
Le territoire ennemi.
L’adversité qui fait gagner des points.
Passe rabattue.
Être en couverture.
Illégal contact : retenu aux hanches.
Ligne d’engagement.
Garde et bloqueur.
H Grégoire / cent pour-cent bateau [probablement de la pub.].
Le centre, le gardeur, le bloqueur : 5 contre 5 [???]
Des records de concession.
Latérale rapide / deuxième et trois.
Demi inséré.
Mouchoir lancé.
Des sacs réussis.
Une formation NASCAR ou Ferrari.
Pas capable de gagner sur la route.
Il lui enlève le coup de circuit.
Courir derrière la ligne.
Un mur de protection.
Victime d’un échappé
Il lance une bombe.
Un gros quart fort sur ses 2 jambes.
Zone payante à la porte des buts.
Quitter son rayon de protection.
Lancer à contre courant.
Le mouchoir est dans les lignes des buts.
Le receveur n’a pas mis les pieds à l’intérieur.
Des gros jeux.
Des victoires écrasantes..
Un tracé pivot.
Le banc a réagi.
Un secondeur.
Toute une pochette.
Le receveur qui n’a pas encore retourné la tête.
Pause obligatoire des deux minutes.
Le jeu du chat et de la souris.
On a retenu par le collet.
Envoyé au sol, mais pas de revirement.
C’est quoi ton jeu?
Génuflexion effectuée.
Un botté pour la victoire.

Les Dolphins l’emportent sur les Cowboys, 22 à 20.

P.-S. Jean~Paul Chartrand est mort. RIP. Un grand connaisseur de football selon Claude Mailhot.

 

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Un salon capillo-littéraire

alalo

Le gars principal dans cette histoire, il a 39 ans. Il vit chez son père. Sa mère qu’il adulait est morte alors qu’il avait 14 ans. Il n’a jamais eu de relations sexuelles. Il reste planté devant la télévision des journées entières, tellement qu’il se qualifie de spectateur en série. Un grand timide, un tantinet asocial. Au moment où le récit commence, il se trouve devant un bac de livres à un euro. Il y découvre La tentation de Saint-Antoine de Flaubert livré aux intempéries aux côtés de livres ineptes. Il rentre chez le libraire pour lui demander le pourquoi de cela. Réponse du libraire : «Vous connaissez une personne, vous, qui a lu La tentation de Saint-Antoine?». Il lui tend l’euro, prend l’opus et file chez le coiffeur. La lecture de ce livre lui servira de rempart contre l’ambiance habituelle des salons de coiffure qui l’incommode : la musique, les lumières, les jacasseries des coiffeur·es et des client·es. Il évite. Il aime passer inaperçu, meilleure façon d’être vu, à son grand déplaisir. Il ne sait pas composer avec la pratique du pourboire. Il avait d’ailleurs fait l’acquisition d’une tondeuse à peine plus chère que le tarif d’une coupe dans ses satanés endroits. Problème, il n’y coupera pas.

Caméra arrière. Mauvaise manipulation avec le sabot de sa tondeuse, il s’est ratiboisé un bon 5 centimètres de sa pelure pileuse crânienne. Il doit agir. Après avoir été éconduit d’un premier salon pour cause de manque d’assiduité, il se rabat sur un autre salon tout à fait bon chic bon genre, avec service client impeccable et une armée d’artistes pour lui rendre son élégance de tous les jours. Il y trouve Fabrice qui, avec ses doigts de fée, redonnera vie à sa tête d’éberlué. Problème. La facture pour l’ensemble de l’opération service client s’élève à 540 euros. Une somme qu’il n’a pas. Il propose un troc à Fabrice. Il viendra donner un cours, au Salon, sur Flaubert et La tentation de Saint-Antoine afin de régler la douloureuse. Fabrice accepte. Il est ravi. Un Salon capillo-littéraire, ça claquerait! Bon, le spectateur en série devra se farcir la lecture de la série des trois versions de La Tentation de Saint-Antoine, de sa correspondance et des savants écrits des nombreux exégètes de Flaubert…

Aucune mouche entre les deux couvertures. Incipit exempt de considérations météorologiques.  C’est ainsi.

Oscar Lalo, Le salon, Plon, 2022. [Édition numérique]

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