M’est revenue comblé, dans le foulée du grand rangement évoqué dans un billet précédent, la trace poétique de ma collègue et amie, Mireille Cliche .
J’ai relu un foudroiement, des cratères, de riches ruines, la poésie qui aide à vivre :
«L’onde et la foudre»
«Jours de cratère» – Prix Octave Crémazie, 1991
«La pierre dorée des ruines»
Je partage des extraits qui témoignent de la «force radioscopique de la poésie, de petits trésors ordinaires et de l’or que l’on trouve toujours dans les pierres»
Allez-y voir et lire :
Dans La pierre dorée des ruines, j’ai relu, ce texte lumineux, pour sa fille, universel
Aux portes du monde, p 44-45
Tu marches dans tes propres pas
vers la maison de l’être
et tu es déjà
touchée appropriée requise
l’univers sans arrêt réclame
fuis les châteaux ordonnés
où s’abritent des princesses chagrines
ne dépose pas tes trésors
sur des seuils où ils sèchent
mords d’abord questionne ensuite
avant que la peur ne te fasse
carnassière
ne sois ni plus petite
ni plus grande que toi-même
le sang bat dans tes mains
plante-les
si l’amour vient range-toi
laisse passer
s’il revient plonge
et mets-le dans ta poche
il y a des baleines
du granit et de l’eau
des étincelles à certains doigts
du givre sur d’autres
chaque jour choisit ton camp
quitte-le aussitôt
Ma sentinelle dans les nuits d’argile
Le bout de l’univers
est à longueur de bras
il n’y a de gouffre
plus profond que toi
petits soldats aux portes du monde
Dans l’Onde et la foudre, pour ces ossements en or massif et ce verre, édifice de feu …
Silence gris, p. 48-49
J’ai cessé d’écrire en coup de poings
quand j’ai vu en demi-teintes
les gris de ton silence
Des portes cachées s’ouvrent
quand tu en as trop dit
quand tu tiens ma tête et que je crois
que tu vas te dissoudre
quand je ne sais si tu as fui
ou tu fuira
J’étais de verre. Je suis un édifice
de feu.
Je voudrais t’effacer
de ma liste d’impossibles
t’étendre comme une peau
entre côtes et bassin
Je voudrais toucher
le bois des maisons défaites
que tu racontes de mémoire
ton regard épuisé
sur la ligne du couchant
L’amour dérape et ne laisse
que des ossements en or massif.
Dans Jours de cratère, p. 12, pour les percées véloces de l’oeil
le jour s’est éteint
tavelé du noir des officines
oh choses rongées par le bruit
vents de couleur
percées véloces de l’oeil qu’on appelle à soi
pour servir de couvertures
et dormir plus loin
d’un long sommeil qui nous porte debout
jusqu’au bout de nos routes
Dans La pierre dorée des ruines, une véritable ontopoésie musicale rapaillée
Héritage, p 49-51
Sur les cendres de qui allons-nous
anonymes mentons dressés
vers quelle intense fragilité
dans les débris des choses
créatures à l’abandon
d’un dieu épuisé
vers qui marchons-nous
quelle salive amoureuse
pour abreuver notre soif
quel impossible don
à nos chevilles l’écho tenace
de la multitude
les objets dont le néant déborde
je voudrais que les morts se lèvent
déclinent noms et formes
qui laissent comme un algorithme
chacun seul face à l’histoire
mais sortez donc du silence
squatters du déminage
et mesurez la force
d’une seule parole exacte
Tirez votre goupille en entrant
n’explosez pas dans mon salon
mes planchers sont trop blancs
les couleurs en cocktail
nous voleraient jusqu’à la vue
les images nous absorbent
comme un buvard
il se fait tard au bout du monde
nous n’en finissons plus
de perdre et l’amour a compté
jusqu’au terme de sa patience
les choses nous ont achetés
puis revendus
nous vivons les mains vides
le coeur plus encore
entichés de séduction
encéphalogrammes plats
sans savoir à qui donner
moelle et os quand il arrive
que nous ayons des surplus
De bistrot en supermarché
le rien glisse à la surface du rien
et déferle dans écho
jusqu’à emplir nos côtes
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Allez-y.
Silence…
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La photo a été prise avec un Blackberry, par Luc Jodoin
Merci, cher ami.