J’ai toujours pensé que l’art n’était rien si finalement il ne faisait pas de bien,
s’il n’aidait pas.
Albert Camus, Carnets III
M’arrache, malaise et étourdissement – les yeux innondés par une pollution d’images – à la Série Apocalypse, la deuxième guerre mondiale.
Tentative pour s‘extraire de ces hurlements qui font trembler la terre (Louise Dupré).
La littérature a su dire le prolongement de cette douleur, ce basculement du monde, ce mal, ces ossements retournés à la poussière. Je pense à Levi, Némirovsky, Semprun, Perec, Tabucchi, ainsi que Courtemanche et Perrine Leblanc, sous d’autres cieux, le même…
Louise Dupré, ils me percent ces cris, ces regards crucifiés (Francis Bacon) dans un texte poésie parfait : Plus haut que les flammes. Un texte cri pour s’extraire du présent. Rouge horrifié comme le bruit des biberons éclatés sous les bottes. Mais peut-on revenir de ce voyage? Apprendre à placer Auschwitz ou Birkenau dans un vers?
Existe-t-elle cette syntaxe pour parler doux?
Un enfant dansant dans ses bras?
Tout lire, relire, s’en saisir, car il faut des mots à mourir de plaisir.
Extraits :
______________________________________________
Ton poème a surgi
de l’enferun matin où les mots t’avaient trouvée
inerte
au milieu d’une phraseun enfer d’images
fouillant la poussière
des fourneauxet les âmes
sans recours
réfugiées sous ton crânec’était après ce voyage
dont tu étais revenueles yeux brûlés vifs
de n’avoir rien vurien
sinon des restescomme on le dit
d’une urne
qu’on exposele temps de se receuillir
devant quelques pelletées de terrecar la vie reprend
même sur des sols inhabitablesla vie est la vie
et l’on apprend à placer
Auschwitz ou Birkenau
dans un verscomme un souffle
insupportableil ne faut pas que le désepoir
agrandisse les trous
de ton coeurtu n’es pas seule
à côté de toi
il y a un enfantqui parfois pleure
de toutes ses larmeset tu veux le voir
rire
de toutes ses larmesil faut des rires
pour entreprendre le matinet tu refais ta joie
telle une gymnastiqueen levant la main
vers les branches d’un érable
derrière la fenêtre(…)
et tu le regardes caresser
un troupeau de nuages
dans un livre en cotonen pensant aux minuscules vêtements
des enfants d’Auschwitz(…)
certains matins tu laisses
l’enfant
à ses feux de pailleet tu pars
seulechercher l’erreur
dans les apocalypses
de Francis Bacon(…)
Et tu veux apprendre
à dansersur la corde calcinée
des motste voici pur vouloir
pur dessein, détermination
violentelancée
comme une flècheou un amour
trop vaste pour toite voici prête
à danser
par-delà ta peur
La poésie qui fait du bien, qui aide à vivre.
Lire et relire, car il faut des mots à mourir de plaisir
Louise Dupré, Plus haut que les flammes, Éditions du Noroît, 2010, 106 p.
Three Studies for a Crucifixion, March 1962. Oil with sand on canvas, three panels, 78 x 57 inches (198.1 x 144.8 cm) each. Solomon R. Guggenheim Museum, New York, Guggenheim
Ping : Les Irresistibles » Plus haut que les flammes