Que loin de moi, ton coeur soit plein de ma présence,
Comme dans ton absence, ton aspect bien-aimé m’est présent en tout lieu.
André Chénier, ode à Fanny
Tiré de Diderot l’Épistolier, par Benoît Melançon
Vrombissement de la F1 sur la Ville, ce samedi : je fais la sourde oreille et me plonge absent du monde – côté jardin – dans la lecture du livre de Benoît Melançon, Sevigne@Internet, Remarques sur le courrier électronique et la lettre, 1996, suivies d’une postface inédite, Montréal, Numerik:)ivres et Del Busso éditeur, 2011.
1995 par là. L’auroute de l’information s’installe, la télématique nous interpelle dans notre rapport à l’espace et au temps. Le courrier électronique va-t-il chasser la Lettre, se demande alors Melançon, Virilio en toile de fond? Tentative de l’épistologue pour s’approprier les caractéristiques propres à ses deux médiums, saisir leur«poétique» ou leur littérarité. Alors que le courriel est de l’ordre de l’instantanné et participe de la «froide comédie informatique» et de «la négation du temps intérieur» (Philippe Sollers), la Lettre cultive le fétichisme et se joue de l’absence, du différé, de l’euphorie et la dysphorie pour la jouissance du plaisir d’écrire. La lettre se veut mise en scène baroque alors que le courrier électronique en son idéalité communicative se veut efficace, efficient, direct, sans fioriture, ni marque distinctive. Le courrier électronique comme simple prolongement du téléphone de Graham Bell (illustration ci-dessus, tiré de Wikipédia).
2011. Postface. Rien de changer fondamentalement au vu des nouveaux modes de communication qui sont peu ou prou des extensions du courrier électronique : Twitter, les textos, FaceBook, le clavardage. Accélération fulgurante toutefois de la spirale du temps et de l’aplatissement de l’espace. Nous sommes mobiles et présents partout par la grâce de la virée vers le «cloud». Téléphones intelligents et tabletttes poussent lentement l’ordi vers la sortie, objet patrimonial en devenir.
Sevigne@Internet, à lire numérique.
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Pensées éparses :
* Reçu courriel de Bibliothèques publiques de Montréal m’avisant qu’objet livre – La vie sexuelle des super-héros – était disponible pour emprunt à la Bibliothèque de Rosemont. Mais qui m’a suggéré cette lecture? La déferlante, le flux, mais qui, de qui suis-je donc le destinataire?
* Curieuse invention que le courriel : ils rapprochent ceux qui sont loin et éloignent ceux qui sont près.
* Avec les flux d’infos déferlants : les «autorités» cognitives c’est bien, mais que dire des «autorités» affectives!
* Ils s’inventent déjà les fétichismes féconds du numérique, au quotidien, dans ces traces laissées sur la surface encore plate de la planète Web, dans ces messages qui ne s’adressent à personne et qui atteignent, jouissance, leur destinataire.
* Le Grand Prix de la F1 est enfin terminé.