Un dimanche, comme les autres, léger. Dès potron-minet, je m’enferme dans ma bibliothèque pour cueillir les notules de Philippe Didion, les zeugmes du dimanche de L’Oreille tendue et autres confluences du même tonneau déposées dans ma boîte postale RSS. On effleure vraiment la surface des choses, le dimanche, à fond, on s’y délecte, on butine sans but, à la dérive…
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Philippe Didion s’est farci le tome 5 de la correspondance de Flaubert dans la Pléiade. J’apprends que Flaubert a consacré 900 heures à l’écriture de sa courte nouvelle «Un cœur simple». J’y retourne.
Je reste bien campé dans mon fauteuil, pas nécessaire de descendre au sous-sol cueillir mon exemplaire papier. La chose numérique est bien rangée côté nuage dans la bibliothèque Dropbox. Dès les premières pages, je tombe sur «Le vent était mou» : Quand même, il savait dire le monde, ce Flaubert. Trois petits mots et ça pétille de modernité.
Relecture de l’ensemble
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Je plonge – moins tristounet – dans «Le flâneur de la rive gauche», Pierre Assouline qui s’entretient avec Antoine Blondin (1922-1991). Un bouffon, ce Blondin, un peu difficile de départager le vrai du faux dans ce qu’il raconte (une gifle à Sartre, un coup de boule à Chirac, une beuverie avec Hemingway, des coups pendables…). De louches complaisances avec la droite après la guerre. Je note des bons mots, son ironie et un brin d’auto-dérision qui me le rend sympathique :
«La philosophie, ça peut se faire dans un lit, admirablement bien»
«On boit pour être ensemble mais on est saoul tout seul»
«J’ai connu Jacques Attali, il voulait épouser ma cousine. Il paraît qu’il est d’une intelligence formidable. Mais il est un peu timide.»
«Il écrit bien le français, tout de même» à propos de Mauriac (Blondin l’exécrait)
«Tes livres sont si légers que quand il me tombent des mains ils ne me font pas mal aux pieds» Céline à propos des œuvres de Blondin.
«Dans ce siècle, il y a Proust, Céline et Marcel Aymé»
«Les deux seuls écrivains que j’aime, c’est Marcel Aymé et Jacques Perret parce qu’ils ne m’emmerdent jamais» Gaston Gallimard, cité par Blondin
«Moi j’écris pour avoir des fins de mois, pas pour être lu»
«ce qu’on reprochait aux existentialistes, ce n’était pas leurs idées mais leur terrorisme intellectuel, leur côté «école» et surtout, surtout, leur manque de joie de vivre. Ils étaient tristes»
«Je l’ai connu (Le Pen) quand il était jeune député. Il habitait rue de Beaune, je vivais pas loin, au bar du Pont-Royal. C’est probablement Nimier qui me l’a présenté. Il était sympa. Il avait un bandeau sur l’œil, il n’avait pas un rond, il picolait comme c’était pas permis, il était charmant. Aujourd’hui il parle mieux qu’autrefois. Il n’a pas l’air embarrassé, cela étant, le fond de ce qu’il dit, ça me semble un peu bizarre… Moi je vote Mittérand»
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Je poste cette citation de François Hollande sur mon mur Facebook :
«Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverne… C’est le monde de la finance»
Et il se lance, le pauvre…
Un petit débat s’engage sur mon mur entre les potes de l’Hexagone.
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Je laisse Blondin et Hollande, me remémore Nimier (copain de Blondin), son roman Les épées. Le roman s’ouvre sur le spectacle d’un jeune homme qui «laisse aller ses sentiments» sur les pages ouvertes d’un magazine en maculant de son sperme le visage de Marlene Dietrich. Il note une huitième occurrence de l’acte en ce 22 mars de l’an 1937, 1454 au total de sa courte existence… Il se dit à voix basse : «Rien ne vaut une comptabilité bien à jour» Il notule, le jeune homme, comme Didion avec ses livres lus, ses films vus.
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Retour de la bibliothèque Rosemont, ils m’avaient mis de côté :
Murakami Ryû : Chansons populaires de l’ère Showa
Danièle Sallenave : Nous n’aimons pas lire
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J’attaque Murakami.