Les choses de Perec et la pulsion scopique

Je poursuis ma relecture des oeuvres incomplètes de Perec.

«Les choses». Prix Renaudot en 1965. Une somme. Que dis-je? Une multiplication, une factorisation, l’infini moins 3,1416. J’ai profité de mes jours de congé pour le relire à l’aller et au retour. Plaisir de la répétition. Le récit tient à peu de choses. Fi de l’exotique, le regard est posé sur l’infra-ordinaire, l’endotique. Deux jeunes «imbéciles heureux», Jérôme et Sylvie, sont à la recherche du bonheur (la belle affaire!). Ils pensent le trouver dans l’appropriation et la contemplation des choses (objets). Ah, les beaux jours de la société de consommation florissante du début des années 60. Roman sur le désir, véritable tonneau des danaïdes, qu’on n’arrive jamais à assouvir. Absence de lyrisme. Roman scopique, baroque, tout est dans l’obsession du regard. Tentative d’épuisement des objets du monde (modèle repris dans l’ensemble de l’œuvre de Perec). Perec exploite à fond les figures de la répétition, de l’énumération, de l’exagération, de l’empilement, de l’emphase et de l’inflation verbale pour mieux dire la récession volitive de ses benêts de personnages. Ils se plantent toujours les personnages de Perec que ce soit dans leur quête de bonheur ou de l’indifférence (lire Un homme qui dort). N’allez pas vous méprendre, ce roman n’est pas une critique du consumérisme, une critique de l’économie politique du signe, un brûlot sur la société de consommation, un regard sur l’homme unidimensionnel. Littérature, punto. «Les choses», la meilleure introduction à Perec, vous y trouverez le code génétique de l’œuvre à venir. Perec, pastichant Flaubert, aurait pu affirmer : « Les choses c’est moi». Un roman ludique et drôle, en prime, pour l’œil attentif…

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La pulsion scopique, mais où diable ai-je pigé ça? Lacan, Buci-Glucksman, Scarpetta ?

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Recommandation soumise à Marie-Anne Poggi pour les membres du club de lecture Les irrésistibles des Bibliothèques de Montréal. Publication prévue le 10 août, vers les 7 heures du matin, si ça passe la rampe…

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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