Jean-Paul Daoust, le poète «punk» de l’émission Plus on est de fous, plus on lit!. Les Cendres bleues, un récit poétique autobiographique audacieux – l’amour entre un jeune de six ans et demi et un adulte de vingt ans – a été couronné du Prix du Gouverneur général en 1990. Texte adapté et présenté à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’aujourd’hui en 2013, avec Sébastien David, Jonathan Morier et Jean Turcotte.
D’aucuns prétendent que ce long cri d’amour et de désamour constitue une pièce majeure de la poésie québécoise contemporaine.
Un texte oxymoryque où se jouxte le «douloureux» et le «soyeux» : «J’ai été un enfant violé / Dans le plus beau des paysages / Dans le carré de sable prince oublié […] Pourtant j’aimais voir ce sexe content / Même si l’idée de l’amour m’était inconnue»
Un poème de quelque 2000 vers hurlé d’un seul souffle, sans ponctuation. Poème incantatoire avec des vers qui remontent incessamment pour dire le malaise et aussi la joie, l’amour et le viol, malgré les interdits (Moi un angelot dans la crèche) : « Je n’avais que six ans et demi mais / Je savais ce que je faisais / Je sais qu’il m’aimait m’aimer […] Histoire d’amour / Mais je n’avais que six et demi / Lui dans la vingtaine […] Il n’avait que vingt-ans / Et des poussières / Moi j’en avais six et demi / Il m’aimait / Je l’aimais […] À six ans et demi alors / J’étais un barbare dans la soie de ses mains […] Tu m’auras volé mon enfance.
La couleur bleue parcourt tout le poème, marquant l’alternance entre l’insouciance et l’incandescence, entre le chaud et le froid et entre la vie et la mort. Dans l’air bleu du soir […] Brûler qu’on dit / Des feux bleus […] Des yeux bleus couleurs de lacs mirant le ciel […] Il avait des yeux bleus de dimanches de deuil […] Je m’empressais de retrouver ses lèvres si douces / Si bleues dans le reflet de ses yeux […] Lui ce grand tyran aux yeux bleus comme / La neige / Mon ange-gardien […] Ses yeux bleus miel […] Des diamants bleus / Sa pomme d’homme bleu […] Dans la chaleur bleue […] Sa peau de vison bleu […] Dans l’eau bleue de ta sueur […] Ses dents de glace bleue […] Les refrains bleus de sa peau […] La neige qui tombait au-dehors / Plus bleu qu’un poème […] Du haut de mes six ans et demi je tombe / Dans le brasier bleu de tes bras […] Dans ses campagnes bleues […] Des larmes d’un bleu […] Tes yeux neigeaient bleu […] Dans le bleu pourpre de l’air […] Les fenêtres bleues de ton visage […] Le parfum bleu de mon premier amant […] Tes yeux d’un bleu interdit.
La couleur de l’enfance est-elle bleue?
Comment Faire le tri de tous ces bleus?
Cette fiction m’incommode / Bleue elle aussi.
«Mort» de l’amant bleu : Sa tête en cendres.
Il ne restera que Les Cendres bleues, des Cendres étoilées avec lesquelles s’achève le récit.
La révélation de soi.
Référence :
Jean-Paul Daoust, Les cendres bleues, Les écrits des Forges, 1990, 66 p. (avec une postface de Paul Chamberland)