Never open a book with weather. Elmore Leonard, Ten rules for writing fictions.
C’était le jour où la neige arriva. Il était onze heures du matin lorsque d’énormes flocons jaillirent sans prévenir d’un ciel incolore et s’abattirent sur les champs, les jardins et les pelouses du Romerike, à la manière d’une armada du lointain espace. À deux heures, les chasse-neige étaient à pied d’œuvre à Lillestrøm, et à deux heures et demie, tandis que Sara Kvinesland roulait lentement, précautionneusement, au volant de sa Toyota Corolla SR5, entre les villas de Kolloveien, la neige de novembre s’étendait tel un édredon sur le paysage ondoyant. p. 11
Sûrement pas la plus belle pièce de ma collection d’incipit météorologique. Un peu fort de métaphore : les flocons [qui jaillissent sans prévenir] à la manière d’une armada du lointain espace; la neige [s’étendant] tel un édredon sur le paysage ondoyant. Probable que l’amateur de polar ne pinaille pas sur ce genre de détail et surfe sur le texte du récit pour aller au cœur de l’action.
La trame comme telle. La découverte du tueur en série est prévisible dès la moitié de ce très long récit. Il ne nous reste plus qu’à apprécier les stratégies narratives de l’auteur, les entourloupettes mise en place pour égarer le lecteur. Un beau jeu, malgré tout.
__________
En prime, dans Police, chapitre 1, l’auteur remet ça avec un incipit sur le temps qu’il fait. Je ne l’ai pas lu encore. Le lirai-je? L’Oreille tendue en a dit beaucoup de bien : là.
Cela avait été un longue et chaude journée de septembre avec cette ombre qui transforme le fjord d’Oslo en vif-argent et fait rougeoyer les collines qui viennent d’afficher leurs premiers soupçons d’automne. p. 11
Références :
Jo Nesbø, le Bonhomme de neige. traduction d’Alex Fouillet, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 2008 (2007), 524 p.
Jo Nesbø, Police, traduction d’Alain Gnaedig, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 2014 (2013), 594 p.
Le pire, l’incohérence des deux métaphores : flocons « armada », ou flocons « édredon » ? Faut se brancher. Ça ne fait que confirmer, à mes yeux, une fois de plus, qu’il n’y plus rien à attendre du polar. Je te laisse sans regret les stratégies narratives absolument inédites de ce Nesbo
Ah mais les flocons peuvent prendre différentes formes, jusqu’au grésil. Mais avec l’édredon ondoyant et l’armada il se plante. Enfin, il faudrait vérifier dans le texte original. Ces métaphores lourdingues ne sont pas le seul fait des polars. Ceci dit, je ne suis pas un grand lecteur de polar. J’aime bien Fred Vargas, Simenon, Japrisot, Mendoza (très drôle).
J’ai lu un Vargas… Beurk ! Simenon, oui. Quelques Japrisot, quelques Boileau-Narcejac, oui. J’ai lu un Mankell, Chaussures italiennes. Supposément son meilleur roman. Pas un polar, mais qui reprend certains codes du polar, et là est le problème (j’ai écrit un petit texte là-dessus : httpss://lachambredecoute.blogspot.com/2016/12/des-chaussures-qui-ne-me-font-pas.html )
Le polar contemporain n’est rien de plus qu’un passe-temps. Comme si le temps avait besoin de ça pour passer.
Alors, je te conseille la lecture de Cherookee de Echenoz. Une bonne façon de perdre son temps.
Sinon, Adamsberg et Danglard, ils sont plutôt sympathiques. Je n’ai pas chaussé les chaussures italiennes.
Je me suis préalablement un peu informé sur Echenoz (en fait, j’ai lu l’article que l’Encyclopédie Universalis lui consacre), et, oui, Cherokee me paraît un « polar » qui vaille qu’on y consacre du temps. Désormais sur ma liste
Wikipédia qualifie ce roman de méta-polar. Je préfère.