Métamorphoses

La Métamorphose de Kafka. Nous savons que Gregor Samsa se réveilla un bon matin transformé en une bête étrange. Qu’était-ce? Un insecte, un coléoptère, une cloporte, un cancrelat, un arthropode qui a la faculté de se métamorphoser? Une vermine?

Examinons l’incipit de la version originale :

Als Gregor Samsa eines Morgens aus unruhigen Träumen erwachte, fand er sich in seinem Bett zu einem ungeheueren Ungeziefer [vermine] verwandelt.

Le terme «vermine» est conservé dans la traduction d’Alexandre Vialatte

Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine

Bernard Lortholary opte quant à lui pour «insecte»

En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte»

Margarita Nelken fait le même choix pour la version espagnole.

Al despertar Gregorio Samsa una mañana, tras un sueño intranquilo, encontróse en su cama convertido en un monstruoso insecto. » (traduction espagnole de Margarita Nelken)

Pour Lortholary, le terme insecte est le plus approprié pour la description de la métamorphose de Gregor Samsa:

Insecte : équivalent de l’allemand Ungeziefer, qui se traduit littéralement par « vermine » (mais le terme de vermine, avec ses connotations de grouillement et de saleté, est ici impropre). S’il est assez difficile d’imaginer l’insecte dans lequel se métamorphose Gregor Samsa, la suite du texte montre qu’il s’agit d’un coléoptère (insecte à élytres cornés, antennes et mandibules) et, selon toute vraisemblance, d’un scarabée ou d’un bousier. [note 2 de l’édition numérique]

Ça se discute. Ce qu’en pense mon bon ami JimG de St-Athanase : «S’il l’avait voulu, Kafka aurait tout aussi bien pu écrire «ungeheueren Insekt». Telle n’était pas son intention. Il voulait faire plus glauque, j’imagine.»

Pour une approche visuelle incontournable de la question, il faut se rabattre sur l’adaptation créée en 2011 pour le Royal Opera House de Londres par Arthur Piata. Edgar Watson incarne de façon époustouflante un Gregor Samson métamorphosé en un monstrueux insecte. Les connotations de «grouillement et de saleté» s’y trouvent. Une véritable vermine.

À voir! [Jusqu’au 17 mai 2020]

httpss://www.youtube.com/watch?v=6H6KzBu4K68&feature=youtu.be&fbclid=IwAR16R_BCeuauwhgzD5v-BwEAVkd5nTx6ZPAe3SKzW5Y4olsVz4rtiEDxsnM

Références :

Franz Kafka, Die Verwandlung, The Projet Gutenberg EBook, 2011, d’après l’édition de Kuert Wolff Verlag,  Leipzig. 1917. (édition numérique)

Franz Kafka, La métamorphose, Gallimard, coll. Folio, traduction d’Alexandre Vialatte, 1955, 95 pages pour cette nouvelle.

Franz Kafka, La métamorphose, Flammarion, traduction de Bernard Lortholary, 2014. [édition numérique]

Franz Kafka, Metamorphosis, Mexique, Ediciones Ela, 1980, 95 p.

 

 

 

 

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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Une réponse à Métamorphoses

  1. Luc Seguin dit :

    La traduction de Claude David (Gallimard) parle plutôt d’un « énorme cancrelat », terme plus neutre, et qui me paraît plus approprié, car, il me semble, le texte gagne en puissance quand le narrateur garde un ton distancié, ne se compromet pas par l’usage d’un terme (« horrible vermine ») chargé de jugement. Ce ton neutre correspond aussi bien au regard que porte au départ Samsa sur son corps métamorphosé, auquel il ne s’identifie pas encore, qui lui apparaît comme une réalité extérieure, étrangère : « il trouva l’endroit de la démangeaison recouvert d’une masse de petits points blancs, dont il ignorait la nature »

    Le processus d’identification se fera – non sans résistance – dans la répulsion : « il voulut tâter l’emplacement avec une de ses pattes, mais il la retira aussitôt, car le contact lui donnait des frissons » ; plus loin :

    « Gregor prit peur en s’entendant répondre. C’était bien sa voix, incontestablement, mais il s’y mêlait, comme venant d’en dessous, une sorte de piaulement douloureux, irrépressible ; au premier moment, on reconnaissait correctement les mots, mais tout se brouillait ensuite, au point qu’on se demandait si l’on avait bien entendu »

    Dans la pièce, ce processus d’identification, je crois, nous est donné à voir par le fait que le danseur devient de plus en plus « sale », noir, abject

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