Les mouches en littérature et un zeugme en latin : Jean Teulé, Héloïse ouille! [21]

héloise

[La mouche envahit toute la littérature. Où que vous posiez l’œil, vous y trouverez la mouche. Les véritables écrivains, quand ils en ont eu l’opportunité, lui ont consacré un poème, une page, un paragraphe, une ligne; Augusto Monterroso, Les mouches. Pour le contexte, voir ici.]

Jean Teulé est mort le 18 octobre dernier. C’était un véritable écrivain. Truculent.

De la vendetta plein la gueule, parrain capable de tout pour sa filleule, on sent qu’il pourrait, par un art affreux, faire d’Abélard table rase. Aigres cris poitrinaires et soudaine haleine aux effluves ammoniaqués d’étable vers lesquelles arrivent des mouches importunes, ô cette histoire que l’homme d’église doit boire jusqu’à la lie ! Enragé, il écume, menace à tout vent, les poings crispés dans l’ombre et aux yeux des larmes de fiel, comme lorsque la vengeance bat son infernal rappel, mais Abélard pose un genou et déclare :
— Fulbert, je m’accuse d’être entré par effraction dans votre nièce sous votre toit puis de l’avoir enlevée, enceinte de mes œuvres. En réparation, je vous propose de l’épouser.

[…]

La singularité du lieu est surpassée par celle des hommes en soutane à l’assaut de laines de paroissiennes (qui n’ont rien à faire ici !) dans lesquelles ils s’engouffrent comme au creux d’abîmes, en ressortent curieusement par d’autres bouches à la manière de laves jaillissant de cratères. C’est n’importe quoi ! Partout, des falaises à pic de fesses nues enlèvent à l’abbaye son rôle premier. Des mouches agacées vrombissent.

Un zeugme coquin, en prime et en latin. Ça pourrait plaire à L’oreille tendue :

« — Voto nostro serviamus,
Mos est iste juvenum ;
Ad plateas descendamus
Et culus virginum !

(— À nos désirs il fallait se rendre,
C’est l’usage des jeunes gens ;
Descendre vers les places
Et les culs des filles !) »

Jean Teulé, Héloïse, ouille! Julliard, 2015. Édition numérique.

 

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
Ce contenu a été publié dans Mouches dans la littérature, Recommandation de lecture, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *