Never open a book with weather. Elmore Leonard, Ten rules for writing fiction.
Ai-je lu ce livre ? Bien sûr. Cette collection ne rassemble que des ouvrages que j’ai lus. Quand, donc ? En décembre 2011. En 2011, on était bien. Barack Obama était président des États-Unis.
À l’époque, je ne m’intéressais pas encore aux incipit météo. J’avais pourtant glissé un zeugme à L’Oreille tendue. Luc Séguin vient de raviver le souvenir de ce bel incipit.
La folie d’un front froid balayant la Prairie en automne. On le sentait : quelque chose de terrible allait se produire. Le soleil bas sur l’horizon, une lumière voilée, une étoile fatiguée. Rafale sur rafale de dislocation. Bruissements d’arbres, températures en baisse, toute la religion septentrionale des choses touchant à son terme. Nul enfant dans les cours ici. Ombres et lumières sur le zoysia jaunissant. Chênes rouvres, chênes des teinturiers et chênes blancs des marais faisaient pleuvoir des glands sur des maisons libres d’hypothèque. Des doubles fenêtres vibraient devant des chambres vides. Et le bourdonnement et les hoquets d’un sèche-linge, l’assertion nasillarde d’un souffleur à feuilles mortes, le pourrissement de pommes du jardin dans un sac en papier, les relents du gasoil avec lequel Alfred Lambert avait nettoyé le pinceau après avoir repeint la causeuse en osier dans la matinée.
Le zeugme, vous le voulez ? Les zeugmes, plutôt, dans une seule phrase, en français et dans son texte original.
Les hommes étaient de tailles et de formes diverses, mais les femmes étaient invariablement minces et âgées de 36 ans; beaucoup étaient à la fois minces et enceintes.
The men came in various shapes and sizes, but all the women were slim and thirty-six; many were both slim and pregnant.
Jonathan Franzen, les Corrections, Paris, Éditions de l’Olivier, coll. «Littérature étrangère», 2002, 720 p. Traduction de Rémy Lambrechts. Édition originale : 2001.