La première fois…

Irrésistible Erri de Luca. Sa passion pour la montagne, l’ascension. Lire , et . Touchez la lecture attentive et soutenue de la Bible de cet incroyant, militant gauchiste et antifasciste : , et (pour son regard à senestre). Son roman , «», constitue le moment parfait de la confluence de ses deux espaces de liberté créatrice : la montagne et la bible. Il s’attaque à l’immense, de Luca, au sommet divin, les dix paroles, le décalogue.

Je vous transcris un extrait de la quatrième de couverture :

Un homme est retrouvé, épuisé, aubord d’un campement. Alpiniste courageux devenu simple vagabond, sa disparition avait fait perdre espoir à tout un peuple dont il était le guide. On découvre son histoire, l’ascencion difficile, lorsque soudain, face à la muraille, sa voix se met résonner : « je suis Adonài (Yod ton Elohim)

Les dix paroles. Sa lecture poétiquement transgressive. Sa réhabilitation d’Ève (Havà), du charnel, de la connaissance et du beau.

Les femmes savaient qu’elles étaient les préférées de la divinité (…). «Et construisit Yod Elohim le flanc qu’il prit d’Adàm» : la femme ne fut pas extraite toute faite du corps endormi. «Et il construisit» : il se mit à fignoler, à ajouter, à modeler… La femme est son produit perfectionné, summum d’expérience de création. Pour Adàm, pas même l’intention ni l’ombre du verbe « construire ».

Et ce fruit défendu?

Au pied du Sinai, les femmes connaissaient la magnifique histoire des débuts. La première d’entre elles avaient retiré l’espèce humaine du jardin enchanté de l’enfance. Ève, Havà, fait le bon geste, du bas vers le haut, en cueillant le fruit de la connaissance

Ni condamnation, ni réprimande divine dans la suite. Le simple dit de l’avènement de l’autre, de l’adversité et de la mise en scène d’un destin, humain.

Et les premiers amours?

Souviens-toi de la première nuit de nos deux premiers, l’amour se mêlait à la frayeur, la réponse à la question. Ils étaient nus, (…) Ils découvraient l’assemblage qui permettait à deux corps de faire l’unité. (…) Ce fut la première découverte de la connaissance, encore privée de la distinction du bien et du mal. Cette première nuit fleurait bon la création éteinte. L’amour accélérait l’expérience, faisait tout arriver en une nuit. Et quelle nuit, cette première-là : ils n’avaient pas été enfant, l’amour fut le premier de leurs jeux. Ils passèrent des rires au chatouillement, à la concentration d’un examen attentif. Tout en se frottant heureux, leurs lèvres se rencontrèrent. Ils s’écartèrent étonnés, puis les rapprochèrent à nouveau. Leurs yeux se fermaient tout seuls, la vue et les autres sens accoururent vers la bouche. Ainsi naquit par un joyeux hasard, le premier baiser. Au terme du jeu, ils étaient arrivés à mille. (…) Souviens-toi du jour de samedi, commencé le soir du sixième jour, prolongé dans l’insomnie amoureuse, dans le bref sommeil rassasié, dans le réveil au lever du jour chanteur.

Avouez, ça donne envie de « faire catleya » ou « shabbàt »

À lire toutes affaires sautillantes!

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Voir aussi la recommandation de Marie-Anne Poggi, muse du club des Irrésistibles, dans son billet du 

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Erri de Luca, Et il dit / E disse, Gallimard, Collection Du monde entier, traduit de l’italien par Danièle Valin, 2011, 103 p.

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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