Température et incipit : Querelle de Roberval de Kevin Lambert [59]

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Never open a book with weather. Elmore Leonard, Ten rules for writing fictions.

Il s’agit de l’incipit du chapitre qui suit le prologue.

Les glaces s’éternisent sur le lac Saint-Jean, les chars passent vite sur la 169, le vent de décembre est pas d’adon, impitoyable, tu mettrais pas un chien dehors. Pourtant ils sont là. Les chiens errants, qui traînent sur le bord des routes, rendus furieux, qui brisent leurs chaînes, s’échappent des fermes lointaines; ils courent dans la campagne, çà et là, en proie à la folie. Et les grévistes, 7 h 30 le matin, le soleil à peine sorti pour venir crever le gris froid de l’hiver, pris entre la route régionale et la grille d’entrée, ils ont le lac dans les yeux, un feu qui brûle gêné dans une vieille tobe de sécheuse, et pas grand-chose d’autre. Il crépite et gigote un peu, le feu, il fait ce qu’il peut pour réchauffer le monde. C’est pas chaud, dit Judith en arrivant avec son plateau de cafés Tim Hortons, elle est arrêtée à Roberval. Un lait un sucre chaque, pas une température pour gosser après les petites cups ou les petits sachets: à moins trente-deux dehors – avec le vent –, t’enlèves pas tes mitaines, pis si elles ont un trou dedans, tu le sais en crisse.

Kevin Lambert, Querelle de Roberval. Fiction syndicale, Montréal, Héliotrope, 2018, 277 p.

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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