Le premier recueil de poésie de Martine Audet. Je l’avais emprunté en janvier 2018 à la bibliothèque La Petite-Patrie. Je croyais l’avoir remis, mais je découvre que je l’avais rangé dans mon gourbi rempli de poésie. Un joli lapsus.
Les avis de retard reçus par courriel et un robot téléphonique insistant me harcelaient en m’intimant de rendre ce document sous peine de perte de mes privilèges d’emprunteur. Il n’en était pas question. Je m’étais donc pointé à la biblio, penaud, affirmant que je l’avais déjà remis. On m’avait cru, j’avais été gracié et l’opuscule avait été «déclaré retourné»
Je vais le rendre à la bibliothèque pour le plaisir du plus grand nombre. Il est fort.
Les os saillants, patients et en breloque. Des extraits :
sur la table
un fruit se vide
mes yeux rejettent les noyaux
(ils ont cette rondeur des os patients) (p. 13)autrement
à l’affût des années
que l’on laisse se troubler
au bout de nos bras
nous creusons à même les os
des esquifs pareils
à ces flammes vacillantes
à la surface de l’eau (p. 14)la clarté est-elle si fragile
qu’il faille brûler chacun de nos os (p. 17)je retire les os cassés de ma bouche
la mutité du jour
devient une lente écriture (p. 18)je m’allonge
serrant mes os tout contre moij’entends les ombres
qui grugent ma chambre (p. 31)cloutée d’os saillants
j’ai la nuit enfermée
dans ma bouche (p. 32)le jour cogne à mes tempes
j’affûte mes os
et dépèce les ombres
une à une (p. 38)je marche dans mon corps
tout juste mouvantj’ai des os simples
mes gestes ont perdu un peu
de leur consistance (p. 41)nos os soutiennent
la pulpe de l’air (p. 43)peu importe ce qui tombe du silence
ou des paupièresplus un os sous ma peau
tant j’ai brûlé d’air (p. 46)je lave mes os poisseux
des dernières clartés
les trop vivantes neiges (p. 49)nous étions presque sans force
des marques d’ombres
là où commencent les osLe cœur en battant meurtrit la chair (p. 55)
faute d’un peu de lune
d’autres étoiles
d’autres voix dépolies
s’écrasent contre les mursmes os en breloque (p. 66)
Martine Audet : Les murs clairs, Lithographies de Maria Margarita Torres, Éditions du Noroît, 1996, 68 p.