Philippe Didion, dans ses notules du 2 juillet 2023, sondait le style de Boris Pasternak pour décrire la neige :
Un bon romancier russe digne de ce nom se doit de savoir décrire la neige. Dans le genre, Pasternak ne se débrouille pas mal : “Les gros flocons duveteux tombaient paresseusement et s’arrêtaient tout près du sol comme s’ils hésitaient à se coucher à terre”; “À une grande distance, il semblait que les flocons se tenaient en l’air presque immobiles, qu’ils se déposaient lentement, comme les miettes, ramollies dans l’eau, dont on nourrit les poissons”; “par la porte entrouverte du wagon, on voyait filer les arbres de la gare, alourdis par de grosses plaques de neige qu’ils tendaient aux voyageurs de leurs branches raidies, comme le pain et le sel de l’hospitalité”. Mais attention, ce n’est pas un concours d’originalité, il faut aussi savoir être sobre : “On était en plein hiver. La neige tombait à gros flocons.”
Lourdeur des métaphores à mon humble avis. Le piège de l’anthropomorphisme : des flocons qui tombent paresseusement, s’arrêtent près du sol et hésitent à se coucher par terre; les arbres qui filent de la gare; les branches raidies – par des plaques de neige – tendues aux voyageurs.
Je préfère de loin la sobriété à l’originalité :“On était en plein hiver. La neige tombait à gros flocons.”
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Le Docteur Jivago (Boris Pasternak, 1957 pour l’édition originale, Gallimard, coll. “Blanche”, 1958 pour la traduction française; 656 p.). [cité par Philippe Didion dans son infolettre du 2 juillet 2023]
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