Portrait-robot du conservateur

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J’aurais dû lire Les ingénieurs du chaos avant les dernières élections américaines. J’aurais été moins surpris par la victoire de Donald Trump.

La stratégie des Républicains en 2024 a été peu ou prou la même que lors des élections de 2016 :

Aujourd’hui, les princes du mouvement populiste mondial appliquent tous le même principe. Chaque jour porte son coup d’éclat : les tweets choc de Trump, les mises en scène théâtrales de Nigel Farage, les posts Facebook de Matteo Salvini ; on a à peine le temps de commenter un événement qu’il est déjà éclipsé par un autre. Au sein de ce processus, la cohérence et la véridicité comptent bien moins que l’ampleur de la résonance, qui couvre le spectre entier des opinions – partant de celles qui se revendiquaient il y a peu de la gauche radicale à celles qui appartiennent à l’extrême droite. Sans aucune intention de les modérer, ni de les synthétiser, mais au contraire en les radicalisant pour ensuite les additionner, selon la logique du statisticien qui, pour trouver la température moyenne optimale, glisse la tête dans le four et les pieds dans le congélateur.

Da Empoli prodiguait pourtant de bons conseils aux démocrates dans la conclusion de son essai en citant John Maynard Keynes :

Presque toute la sagesse de nos hommes d’État a été fondée sur des présupposés qui étaient vrais à une époque, ou en partie vrais, et qui le sont chaque jour un peu moins. Nous devons inventer une nouvelle sagesse pour une nouvelle époque. Et en même temps, si nous voulons reconstruire quelque chose de bien, nous allons devoir apparaître hérétiques, inopportuns, dangereux et désobéissants aux yeux de tous ceux qui nous ont précédés.

Les Républicains l’ont compris.

***

Cette lecture m’aura permis de dresser un portrait-robot du conservateur :

Le conservateur est contre les programmes d’inclusion, de diversité et d’équité. Pour des raisons d’équité.

Il était contre les mesures « totalitaires » de confinement lors de l’épidémie de la COVID.

Le conservateur est souverainiste-populiste.

Il craint l’immigration, toujours massive. Par voie de conséquence, l’immigrant est éligible à l’expulsion, qu’il le veuille ou non.

Le conservateur aime les frontières et les murs.

Il est épouvanté par le Grand Remplacement.

Le conservateur n’aime pas les propos et les actions des « néo-féministes ». Par souci d’équité.

Il n’a que mépris pour la théorie des genres. Il ne la sent pas. Elle ne serait pas naturelle.

Le conservateur est écolo-sceptique.

Il fustige les universitaires et les médias traditionnels. Ils les associent à l’idéologie délétère « woke ».

Le conservateur estime que l’élite et la gauche – toujours caviar et autoritaire – sont déconnectées du bon peuple et du bon sens.

Il pense que nous sommes gouvernés par des juges. [Ce n’est pas tout à fait faux aux États-Unis.]

Le conservateur croit que les médias traditionnels sont à la solde des démocrates et des progressistes.

Il juge que les propos vulgaires des politiciens ne sont que d’innocentes blagues de vestiaire qu’il ne faut pas prendre au sérieux. [Alpha?].

Le conservateur défend la « liberté d’expression ».

Il croit toutefois que la vérité n’est pas toujours bonne à dire. Elle n’est pas très attractive. Les vraies faussetés le sont.

Le conservateur croit que c’était mieux avant. Une exception : la magie de la résonance des clics générés par les ingénieurs du chaos.

C’est tout un personnage.

Toute ressemblance avec des chroniqueurs ou des chroniqueuses québécoises existantes ou ayant existées serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence .

[Le conservateur considère que l’écriture inclusive est une aberration mentale]

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Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Lattès, 2019. [édition numérique à couverture souple]

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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