La mouche envahit toute la littérature. Où que vous posiez l’œil, vous y trouverez la mouche. Les véritables écrivains, quand ils en ont eu l’opportunité, lui ont consacré un poème, une page, un paragraphe, une ligne; Augusto Monterroso, Les mouches. Pour le contexte, voir ici.
Lorsque la ville se transforme en étuve, que l’air est torride, tu affrontes une autre difficulté: les vers blancs. La matière organique attire les mouches, qui y pondent leurs œufs. La chaleur accélère et multiplie le cycle de reproduction de ces bestioles. Ça grouille de vers dans tous les sacs, le long de toutes les poubelles, sous tous les couvercles. À ce moment, il n’y a que deux attitudes possibles. Ou bien tu t’en sacres. Ou bien tu t’appliques à pogner les sacs de manière à diriger loin de toi les innombrables vers qui en sortent. Tu veux éviter que cette invasion de petits corps mous déborde sur ton corps, au point d’en retrouver le soir dans tes souliers, de les sentir grouiller dans ton poil d’avant-bras ou, pire, gigoter dans tes cheveux. Ben beau pas être dédaigneux, c’est un peu dégueu.
L’année 2024 nous a offert deux récits marquants sur la condition des transfuges de classe. Celui de Simon Paré-Poupart et Rue Duplessis : ma petite noirceur de Jean-Philippe Pleau. Deux auteurs issus d’un milieu populaire qui ont produit des œuvres critiques sur les illusions de notre soi-disant bien vivre ensemble dans des lieux où «l’honnête citoyen échappe aux misères du monde.» (Poupart).
Un parallèle intéressant : Poupart exerce avec un défi constant et ses diplômes universitaires le métier de vidangeur, tandis que Pleau, pourrait-on dire, avec une légère pointe d’ironie, barbote comme un aveugle diplômé et autocensuré de l’Université Laval dans les déchets diversitaires et wokes de Radio-Canada, comme les qualifierait avec assurance un chroniqueur québécois du Figaro.
Elon Musk, lui aussi, incarne un exemple de transfuge de classe, mais je préfère ne pas m’aventurer davantage sur ce terrain marécageux. À vous d’en tirer vos propres conclusions.
P.-S. 1. Un zeugme de Poupart, en prime ? Como no.
Il y a Jo, qui a été filmé par un citoyen de Boucherville alors qu’il dansait sur des bacs verts, en plein trip de mush; Racette, qui passe sa vie entre les vidanges, la désintox et l’itinérance; le Chat, qui se fait régulièrement embarquer par la police au milieu de sa run; Brodeur, qui lance les bacs à compost dans le recyclage…
P.-S. 2. Entendu sur CNEWS un chroniqueur québécois énoncer – je résume – que l’ensemble des propos pitoyables qu’a prononcés Jean-Marie Le Pen dans le passé ne sont que des détails si on pose un regard réfléchi sur son immense vécu, sa vision, sa verve et son valeureux combat pour la liberté d’expression. Il n’y a qu’à lire les Mémoires (2 tomes) de ce Prophète, un Jean-Baptiste, pour s’en convaincre. Il aurait prévu le choc des civilisations, les convulsions sociales à venir avec la déferlante migratoire et la venue d’un Monde nouveau, regénéré. Il est vrai que la droite fait tache d’encre un peu partout sur la planète et qu’elle pourrait atteindre la France aux prochaines élections.
Eh ben, tout un éloge funèbre !
P.-S. 3. Los Angeles? Ses cinq morts et ses 150 000 évacués. Le choc de notre civilisation…
P.-S. 4. Trump ? Ça suffit comme ça.
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Simon Paré-Poupart, Ordures ! : Journal d’un vidangeur, Lux, Lettres libres, 2024. [édition numérique]
Jean-Philippe Pleau, Rue Duplessis : ma petite noirceur, Lux, Lettres libres, 2024. [édition numérique]