Incipit météo dans La montagne magique de Thomas Mann [117]

Mann_montagne magique

Never open a book with weather. Elmore Leonard, Ten rules for writing fiction.

Lecture de jeunesse. Ce roman mérite sa place dans ce panthéon.

Un jeune homme simple quitta sa ville natale de Hambourg, au plus fort de l’été, pour se rendre à Davos, dans le canton des Grisons. Il partait pour trois semaines, en visite.

Or, de Hambourg jusque là-haut, le voyage est long et, à vrai dire, il l’est même trop, pour un séjour si bref. En passant par les provinces les plus diverses, par monts et par vaux, il faut descendre du plateau bavarois jusqu’aux rives du lac de Constance, la « mer souabe », et naviguer sur ses vagues bondissantes en traversant des abîmes qui, jadis, passaient pour insondables.

À partir de là, après une ample progression en ligne droite, le voyage se fractionne, comporte des arrêts et des complications. Une fois sur le territoire suisse, à Rorschach, on a encore recours au chemin de fer, lequel ne vous emmène qu’à la petite station alpestre de Landquart, où l’on est obligé de changer de train. Après une attente prolongée dans un endroit venteux qui n’a rien d’attrayant, on monte dans une automotrice et, au moment où l’engin, malgré sa petitesse, se met en marche avec une force de traction bel et bien exceptionnelle, débute la partie proprement aventureuse du trajet, une ascension raide et ardue, à n’en plus finir. Car, si la station de Landquart est encore située à une altitude relativement modérée, ensuite, trêve de plaisanterie, on gravit une route rocheuse, sauvage et encaissée, vers la haute montagne.

Je ne l’avais pas remarqué lors de ma lecture, mais ce pavé de 782 pages se montre étonnamment économe en ce qui concerne les mouches : une seule apparition, discrète mais empreinte d’humour noir

Il avait des pneus en caoutchouc, disait Salzmann, pour que ses morts ne l’entendent pas – et Kafka, pour sa part, prétendait que Salzmann forçait ses patients à faire de joyeuses libations visant également à allonger leur note, si bien qu’ils mouraient comme des mouches, non de phtisie, mais d’une cirrhose du foie…

En revanche, les occurrences du mot chaise foisonnent. La faction littéraire du FLC sera ravie d’apprendre qu’on en dénombre une centaine, tant au singulier qu’au pluriel.

Thomas Mann, La montagne magique, Fayard, 2016, 782 pages [édition numérique]

 

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
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