Incipit météo : Jean-François Nadeau, Rutebeuf, la guerre et nous [129]

Never open a book with weather. Elmore Leonard, Ten rules for writing fiction.

Le 18 mars dernier, Jean-François Nadeau nous proposait sa traduction de La complainte de Rutebeuf. Un texte fort en ces années pleines du parfum nauséabond de la guerre […] au milieu des ombres de cette triste époque.

Et froid au cul, quand bise vente.

RUTEBEUF, LA GUERRE ET NOUS

Des années pleines du parfum nauséabond de la guerre. Tout nous y ramène, même de loin en loin. Il est bon, toujours, de relire Rutebeuf (±1230-1285). Je me suis amusé, ces dernières années, à le lire comme je pouvais, directement à partir du vieux français. Je l’ai lu avec passion, quitte à chercher dans les vieux dictionnaires. Je me suis acharné, cherchant le sens, même où il semblait clair, devinant que les mots s’effeuillent eux aussi, au fil du temps qui passe.

De son poème le plus célèbre, j’ai fini par accoucher d’une traduction de mon cru. Sans doute vaut-elle pour le seul le plaisir que j’ai éprouvé à la réaliser, au milieu des ombres de cette triste époque. Je vous la donne. [la suite de sa démarche se trouve ici]

Sa traduction.

L’hiver douloureux
Contre le temps qu’arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n’aille à terre
Avec cette pauvreté qui m’atterre
Qui de tous côtés me fait guerre
Contre l’hiver
Dont plusieurs ont changé mes vers
Mon dit est trop chargé
de pauvres histoires.
Pauvre sens et pauvre mémoire
M’a Dieu donné le roi de gloire
Et pauvre rente
Et froid au cul, quand bise vente
Le vent me vient, le vent m’évente
Et plusieurs fois, trop souvent
Je sens venir le vent
La douleur m’a promis
autant qu’elle me livre
Elle ne me paie, ni ne me délivre,
Contre un sou me rend une livre
De grande misère
La pauvreté sur moi s’est installée
Toujours m’en est la porte ouverte
Toujours j’y suis.

____________

En bonus, je vous mets Pauvre Rutebeuf de Léo Ferré. Des paroles issues d’un collage d’extraits des poèmes La Complainte de Rutebeuf et La Griesche d’Yver.

 

 Note : Texte reproduit avec l’autorisation de l’auteur.

A propos Luc Jodoin

Effleure la surface des choses. Intérêt pour la littérature, la langue, les arts visuels, la sociologie et les enjeux sociaux. Tendance woke. Préfère Madrid à Barcelone.
Ce contenu a été publié dans Poésie, Recommandation de lecture, Traduction, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *