Never open a book with weather. Elmore Leonard, Ten rules for writing fiction.
Le 18 mars dernier, Jean-François Nadeau nous proposait sa traduction de La complainte de Rutebeuf. Un texte fort en ces années pleines du parfum nauséabond de la guerre […] au milieu des ombres de cette triste époque.
Et froid au cul, quand bise vente.
RUTEBEUF, LA GUERRE ET NOUS
Des années pleines du parfum nauséabond de la guerre. Tout nous y ramène, même de loin en loin. Il est bon, toujours, de relire Rutebeuf (±1230-1285). Je me suis amusé, ces dernières années, à le lire comme je pouvais, directement à partir du vieux français. Je l’ai lu avec passion, quitte à chercher dans les vieux dictionnaires. Je me suis acharné, cherchant le sens, même où il semblait clair, devinant que les mots s’effeuillent eux aussi, au fil du temps qui passe.
De son poème le plus célèbre, j’ai fini par accoucher d’une traduction de mon cru. Sans doute vaut-elle pour le seul le plaisir que j’ai éprouvé à la réaliser, au milieu des ombres de cette triste époque. Je vous la donne. [la suite de sa démarche se trouve ici]
Sa traduction.
L’hiver douloureuxContre le temps qu’arbre défeuilleQuand il ne reste en branche feuilleQui n’aille à terreAvec cette pauvreté qui m’atterreQui de tous côtés me fait guerreContre l’hiverDont plusieurs ont changé mes versMon dit est trop chargéde pauvres histoires.Pauvre sens et pauvre mémoireM’a Dieu donné le roi de gloireEt pauvre renteEt froid au cul, quand bise venteLe vent me vient, le vent m’éventeEt plusieurs fois, trop souventJe sens venir le ventLa douleur m’a promisautant qu’elle me livreElle ne me paie, ni ne me délivre,Contre un sou me rend une livreDe grande misèreLa pauvreté sur moi s’est installéeToujours m’en est la porte ouverteToujours j’y suis.
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En bonus, je vous mets Pauvre Rutebeuf de Léo Ferré. Des paroles issues d’un collage d’extraits des poèmes La Complainte de Rutebeuf et La Griesche d’Yver.