Akim Gagnon conjugue le verbe départir par analogie avec finir, et non selon le modèle de partir, comme le préconisent certaines sources, tandis que d’autres s’y opposent.
Il se départissait de plusieurs de ses responsabilités.
Les opposants, partisans de «départait» :
Le Figaro.
Le NouvelObs. La conjugaison.
Bescherelle.
Jean Girodet, Pièges et difficultés de la langue française.
Le correcteur linguistique québécois Antidote privilégie une conjugaison calquée sur celle du verbe finir : «départissait».
J’ai demandé l’avis d’EddY, éditeur émérite à la retraite :
Nous acceptons les deux formes puisque le Grand Grevisse signale que quelques écrivains plus ou moins reconnus en ont sans honte fait usage. D’ailleurs, si «répartir» se conjugue comme «finir», pourquoi cela ne pourrait-il pas être le cas pour «départir»? Je le conjugue spontanément ainsi, et ce, depuis belle lurette. Alors, pour ton édification, je n’hésite pas à fourguer ci-dessous, in extenso, les propos du grand grammairien à ce sujet :
On constate une très forte tendance, même dans la langue littéraire, à conjuguer départir comme finir :
Je me soutenais par orgueil, mais regrettais alors Hilaire qui me départissait l’an d’avant de ce que mon humeur avait sinon de trop farouche (GlDE, Nourritures terr., IV, 1).
Le Paradis, c’est la merveille. Dans aucune des parties de son poème, Dante ne se DÉPARTIT d’une façon tout à fait naturelle et humaine (BARRÉS, Maîtres, p. 17).
De tels hommes […] sont avertis des parties de la réalité sur lesquelles leurs dons spéciaux leur DÉPARTISSENT une lumière particulière (PROUST, Pastiches et mélanges, p. 155). Grevisse, Le bon usage. 14e édition.
EddY est un grand lecteur souffrant d’hypermnésie. Il ajoute :
Il existe d’excellents écrits en français contenant au moins une occurrence de l’une ou l’autre des formes du verbe «départir» conjugué comme le verbe «finir» :
«départisse»
Le chasseur, Éric Vuillard
«départissent»
Le romancier portatif, Nicolas Dickner
La vie de Gérard Fulmard, Jean Echenoz
Le cas Trump, Alain Roy
Ils ont couru l’Amérique, Serge Bouchard
«départissait»
Traité de balistique, Alexandre Bourbaki (Nicolas Dickner)
La fille de Hanh Hoa, Thomas Bronnec
«départissions»
Du bon usage des étoiles, Dominique Fortier
Il convient, de plus, de reconnaître que l’usage quasi généralisé de cette conjugaison parmi les locuteurs québécois et marseillais conforte la position d’EddY.
J’ajouterais que je n’emploie presque jamais le verbe départir. Collectionneur compulsif, je ne me sépare jamais de mes photos de chaises, de mes incipit météo, de mes mouches littéraires, de mes citations sur les oiseaux tombant du ciel, ni de mes oublis.
Je ne lancerai pas la pierre à Gagnon sur cet enjeu grammatical. Pour mon compte-rendu descriptif du flux discursif de son roman, La Dèche, suivez ce petit lien.
Para servir!
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Akim Gagnon, La Dèche, Groupe d’édition la courte échelle, La Mèche, 2025, 279 p.